Travailler en collège / Dossier Direction 174 – Décembre 2009 – pp. 27 à 30
♦ Areski AMMOUR, Principal, collège Ponsard, Vienne, académie de Grenoble
Quel fonctionnement de l’équipe de direction ?
La première démarche, lors de la prise de fonction, et ce, quel que soit le type d’établissement, est de s’entretenir avec son adjoint afin de déterminer quelle image donner à voir à l’ensemble du personnel.
Ensuite, il faut réfléchir aux limites à donner à l’équipe de direction, en prenant soin de s’assurer de l’engagement que cela suppose de la part de tous. Pour ma part, si la question de l’appartenance à l’équipe de direction du gestionnaire ne se pose pas, il n’en est pas de même du ou des CPE, du directeur chargé de la SEGPA ou du chef des travaux.
En effet, mes différentes expériences m’ont appris qu’il fallaitlaisser, pour ces personnels, la possibilité de choisir ou non de faire partie de l’équipe de direction. Ce choix doit être complètement assumé car la loyauté à cette équipe peut les amener à vivre des situations inconfortables vis-à-vis des collègues enseignants.
Enfin, il faut établir un mode de fonctionnement pour partager les informations et la réflexion, en veillant à bien hiérarchiser les niveaux de responsabilité et laisser toute sa place à l’adjoint qui doit être en mesure de vous remplacer à tout moment.
Les autres membres de l’équipe de direction élargie sont là pour vous apporter leur expertise dans leurs domaines de compétences.
Je pense qu’une réunion hebdomadaire, avec un ordre du jour, est un minimum et qu’il faut s’obliger à s’y tenir, même en cas d’absence d’un des membres. Cette réunion permet de partager l’information, de planifier les tâches de chacun en fonction du calendrier et nourrit la réflexion nécessaire à toute décision.
Les difficultés au quotidien ?
J’ai d’abord été adjoint dans un lycée des métiers de l’hôtellerie et du tourisme avec une SEP, un gros internat, un GRETA et de l’enseignement supérieur, puis principal dans un petit collège rurbain sans adjoint et enfin principal d’un plus gros collège en REP. Le travail m’a semblé le même ; seule diffère la prise en charge d’élèves d’âge différent, ce qui nous oblige, en collège, à organiser la vie scolaire autour de la sécurité des élèves et à être en contact permanent avec les parents (trop chronophage).
D’un point de vue pédagogique, la difficulté essentielle réside dans la prise en charge d’une hétérogénéité de plus en plus grande, face à laquelle les enseignants ne sont pas toujours armés. En effet, il n’est pas aisé de prendre en charge une classe où se côtoient des élèves d’option CHAM (classe à horaires aménagés « musique » : c’est une option qui permet aux élèves de suivre un cursus de formation musicale dans des conservatoires ou des écoles de musique) et d’autres qui manquent de motivation scolaire, rejetant le système dans son ensemble.
Une autre difficulté liée à cette tranche d’âge est l’incapacité, pour certains, de différencier leur comportement dans « le quartier » ou à la maison avec le comportement d’élèves respectueux des règles que leur demande le collège. Cette difficulté est d’autant plus grande que les familles interviennent de plus en plus pour les soutenir face à l’institution. La résolution de cette difficulté est l’un des enjeux majeurs du collège d’aujourd’hui.
Quels enjeux pour le collège d’aujourd’hui ?
Comment le collège unique peut-il prendre en charge cette population aussi hétérogène sans freiner les uns, ni abandonner les autres? Je crois que la mise en place du socle commun des compétences déterminant le minimum à acquérir pour chaque élève peut être un élément de réponse, à condition que l’objectif recherché soit compris et assimilé par les enseignants. Je pense qu’il faudrait revoir tout notre système d’évaluation qui, à mon sens, met souvent l’accent sur les « échecs » plutôt que sur le progrès et la réussite.
♦ Isabelle LATGER, Principale adjointe, collège B. Hendricks, Orange, académie d’Aix-Marseille
Quel fonctionnement de l’équipe de direction ?
Le collège Barbara Hendricks relève de l’éducation prioritaire et scolarise 520 élèves sur la commune d’Orange, dans le Vaucluse.
Nous fonctionnons en équipe de direction élargie (chef, adjoint, gestionnaire et CPE), de manière formelle (réunions de direction assez régulières) mais également de façon plus informelle, dans notre pratique quotidienne.
La ritualisation et la régularité des réunions de travail, indispensables à l’exercice de l’équipe de direction, n’est pas toujours facile à tenir.
Les difficultés au quotidien ?
L’exigence de la gestion quotidienne des élèves difficiles dans l’éducation prioritaire s’ajoute aux contraintes temporelles déjà fortes qui interrogent l’organisation de notre travail : échéances et calendriers très serrés, injonctions (parfois paradoxales) difficiles à décliner dans le respect de notre autonomie…
En effet, si le management, dans un EPLE, nécessite une recherche de solutions singulières, la pression temporelle que nous subissons est parfois contradictoire avec le temps de l’école, celui de la construction de la confiance avec les équipes, les élèves et les divers partenaires, celui de l’écoute et de l’appropriation par tous les membres de la communauté éducative d’une analyse et d’une politique.
Le contexte actuel de réduction budgétaire questionne le maintien de la qualité du service. Amener le changement des pratiques pour plus d’efficience devient une tâche délicate lorsque l’on demande aux équipes de se mobiliser pour faire davantage et mieux, en réduisant les budgets.
Le pilotage par objectifs, s’il est nécessaire, ne doit en aucun cas se réduire à des cibles induites et à un maniement expert d’indicateurs chiffrés, qui ne feraient pas sens avec la mission de l’école, et ne placerait plus au centre de nos préoccupations la qualité de notre travail.
Quels enjeux pour le collège d’aujourd’hui?
C’est certainement un des enjeux forts du collège aujourd’hui que de traduire au quotidien les valeurs de la République, dans la recherche d’équité et d’excellence pour nos élèves, parce que nous avons à progresser sur la prise en compte des besoins de nos élèves. Nous avons cependant aussi à nous interroger, en tant que personnels de direction, sur une gestion des ressources humaines créatrice de valeurs communes.
♦ Catherine MONTFORT, Principale, collège de Pontaumur, académie de Clermont-Ferrand
Quel fonctionnement de l’équipe de direction ?
Je suis nommée, depuis septembre 2007, dans un petit établissement qui comprend moins de 100 élèves. Par conséquent, l’équipe de direction est réduite : un adjoint financier (le gestionnaire).
Je reconnais que c’est plutôt dur, non pas de travailler avec la gestionnaire, bien au contraire car, à ce jour, elle est la seule avec qui je peux échanger au quotidien sur mes décisions pédagogiques. Il manque, à mon sens, un autre interlocuteur avec lequel je pourrais confronter nos points de vue pour aboutir aux prises de décisions dans ce domaine-là.
Même si le couple chef / adjoint n’est pas toujours évident, pour de multiples raisons (différence de sexe, d’âge, de valeurs, de sensibilité, de vision de la fonction, etc….), il me semble important de pouvoir être au moins deux pour discuter des décisions à prendre dans tous les domaines, qu’ils soient pédagogiques et/ou financiers. Un échange, même s’il n’aboutit pas toujours à un accord, permet de réfléchir davantage, de se confronter à un autre point de vue et d’enrichir sa propre décision, voire de la modifier en tenant compte de l’avis de votre collaborateur alors que, dans une petite structure, tout repose sur une personne, avec un échange impossible. Le sentiment d’être seul(e) est présent en permanence et pas toujours, à mon goût, positif.
L’établissement prend, par conséquent, pleinement la couleur de la politique du seul chef d’établissement, sans appui ou concertation avec l’équipe possible sur toutes les décisions en lien avec le pilotage pédagogique (mise en place de PPRE, d’IDD, de l’accompagnement éducatif, du CESC, de la politique de l’orientation, de la présidence des conseils de classe, de la gestion de la vie scolaire et de son animation, etc.).
De plus, il faut souligner qu’en cas d’absence du chef d’établissement, pour réunions ou autres motifs, l’établissement est placé sous la responsabilité du gestionnaire (est-ce sa mission ?) ou d’un personnel de catégorie C et/ou des AED.
Pour ce qui concerne le collège, j’ai toutefois la chance de pouvoir collaborer en toute intelligence, avec une réelle complicité, avec la gestionnaire, agent comptable. Il est important de souligner que, dans une petite structure, cet équilibre est très fragile, souvent lié à la personnalité des individus, et peut très vite basculer et paralyser le système, tant le couple chef/gestionnaire prend toute sa mesure dans un établissement de très petite taille.
Les difficultés au quotidien ?
Les relations avec les collectivités locales sont relativement bonnes. Mais je suis consciente également que ces relations peuvent varier et dépendre de personnes et non pas seulement d’une politique globale d’établissement.
L’équipement du collège, tant au niveau de la dotation du matériel et qu’au niveau de la restructuration (commencée début juillet), se fait dans des conditions très satisfaisantes et en bonne intelligence avec le conseil général du Puy-de-Dôme.
Les difficultés d’un collège rural sont essentiellement liées, à mon sens, à l’éloignement géographique des lieux dits « de culture » et rendent, par conséquent, plus difficile la réalisation d’objectifs pédagogiques pour lesquels la contrainte principale peut être les frais de transport et la perte de temps liée à ces mêmes transports rendus obligatoires.
Cependant, la politique, axée sur des projets pédagogiques, permet d’obtenir des subventions et rend possible également un grand nombre d’actions qui facilitent l’accès à la culture et à l’ouverture.
Quels enjeux pour le collège d’aujourd’hui ?
Après une carrière de professeur d’économie-gestion comptable en lycée professionnel, puis en lycée, et sept ans de personnel de direction en collège, dont trois dans un collège de très petite taille, il faut, à mon sens, se poser différentes questions.
Quelletaille critique pour un établissement scolaire ? Quel sens donne-t-on à une structure de quatre classes, une par niveau ? à une pédagogie efficace et dynamique ? à une diversité et une mixité sociale ? à une concertation pédagogique possible ?
L’égalité des chances en milieu rural ou urbain est-elle liée à l’environnement économique et/ou social ? à la difficulté des élèves du milieu rural à se « confronter » à leurs camarades des milieux urbains, avec des écarts qui se creusent ? à la difficulté d’adaptation des élèves à l’entrée en seconde avec une immersion dans l’internat obligatoire, en raison de l’éloignement géographique ?
Quelle ambition des élèves en milieu rural ? Qu’en est-il du choix de l’orientation axé sur la taille de l’établissement ? du choix de l’orientation axé sur la profession des parents ?
Le collège doit également travailler davantage sur son aptitude à gérer les élèves en difficulté et leur permettre de quitter l’établissement avec un niveau de compétences minimal. Il semble important de développer encore l’individualisation au niveau de la formation et de l’évaluation.
♦ Pierre ANGELVIN-BONNETTY, Principal adjoint, collège de Brou, Bourg-en-Bresse, académie de Lyon
Quel fonctionnement de l’équipe de direction ?
Le collège, dans lequelje suis en poste comme principal adjoint depuis quatre années, compte 460 élèves et une trentaine d’enseignants. Il s’agit donc d’un établissement de taille modeste dont la complexité est toute relative. Dans ce cadre, le fonctionnement de l’équipe de direction, au sens étroit comme élargi du terme, ne nécessite pas forcément et de manière régulière des réunions d’équipe à jour et heure fixes. Mon bureau est mitoyen de celui du chef d’établissement ainsi que de celui de la gestionnaire, ce qui permet une concertation régulière, sans formalisme. Pour autant, occasionnellement, nous éprouvons les uns et les autres le besoin de nous réunir de manière plus formelle, notamment avant certaines échéances : la préparation du budget, les opérations liées à la fin de l’année scolaire …
Il va de soi que le fonctionnement de l’équipe de direction est aussi intimement lié aux personnes qui la composent. Le premier chef d’établissement avec qui j’ai travaillé m’a très rapidement fait confiance et s’est fait un devoir de m’impliquer dans tous les dossiers, y compris ceux qui ne sont pas traditionnellement investis par les adjoints. Cette manière de travailler, peut-être liée à mon statut de stagiaire et au rôle de formateur que devraient normalement jouer les chefs d’établissements d’accueil, m’a permis d’apprendre mon métier dans de bonnes conditions. Cependant, je pense que la qualité d’une équipe de direction tient aussi à la relation et à la complicité que le chef et l’adjoint savent ou ne savent pas nouer au fil du temps.
Les choses sont quelque peu différentes avec mon second chef d’établissement. En effet, tout d’abord, j’ai davantage d’expérience, notamment et surtout sur le fonctionnement du collège. Alors que lui, à cause deson parcours professionnel, connaît davantage le lycée. En conséquence, et un peu à la manière de mon premier chef d’établissement, j’ai essayé de lui faire découvrir tous les aspects du fonctionnement de l’établissement dans les délais les plus courts. Il nous a fallu, à tous deux, un temps d’adaptation pour apprendre à travailler ensemble. Bien qu’il soit très différent de mon premier chef d’établissement, j’ai appris à apprécier ses qualités et son expérience.
Les difficultés au quotidien ?
Le quotidien d’un collège, même relativement tranquille, est d’abord et avant tout marqué par les problèmes dits de « vie scolaire ». Ils sont certes enrichissants car ils sont un des moyens pour l’équipe de direction d’être en contact direct avec les élèves et de jouer, par là-même, un rôle d’éducateur au sens plein du terme. Cependant, leur fréquence et parfois leur caractère paroxystique, surtout à certaines périodes de l’année, ont un côté pénible.
Mon agenda est également sensiblement occupé par les relations avec les parents d’élèves. Les rencontres qui y sont liées sont très souvent riches de sens.
Dans un autre registre, le quotidien d’un collège, bien que cela soit sans doute également vrai dans un lycée, est envahi par les enquêtes et les sollicitations en tout genre. Leur gestion peut avoir de bons et de mauvais côtés. En revanche, leur quantitédevient pesante !
Les journées dans un collège comme le mien sont également marquées par les problèmes de maintenance informatique liés, pour partie, à l’absence de véritable coordonnateur TICE. Leur traitement m’a permis de faire un véritable « bond technique » en la matière !
Enfin, et sans que la liste soit exhaustive, mon quotidien est également occupé par les relations avec les services administratifs du conseil général. Lescontacts, en la matière, peuvent être de qualité. Cependant, et à l’instar de nombre de mes collègues, je souhaite souligner que les injonctions, via les personnels administratifs, de cette collectivité territoriale sont un peu pesantes pour ne pas dire plus !
Quels enjeux pour le collège d’aujourd’hui ?
Les enjeux du collège d’aujourd’hui sont de relever un certain nombre de défis dont, au premier chef, celui du collège pour tous. Ce maillon, « faible » disent certains, du système éducatif français doit enfin se donner les moyens d’accueillir tous lesélèves afin de les conduire vers la réussite, autrement dit vers une poursuite de scolarité, quelle que soit la structure qui les accueille par la suite. Il me semble qu’en la matière, le chemin est encore long !
Le deuxième défi auquel doit répondre le collège du XXIe siècle est la mise en œuvre effective du socle commun de connaissances et de compétences. Cette autre manière d’évaluer les élèves et donc « de les enseigner » sera une véritable révolution copernicienne, si elle est menée à bien. Ce défi est également intimement lié au premier dans le sens où le socle commun est, je le crois, un élément indispensable pour permettre la réussite d’un maximum d’élèves.
Enfin, le développement de l’usage pédagogique des technologies de l’information et de la communication dans tous ses aspects est, au moins autant que les deux autres,un défi que le collège d’aujourd’hui se doit de relever. C’est une question de société sur laquelle, me semble-t-il, il n’est pas besoin de s’étendre tant les choses sont évidentes.
En guise de conclusion et, quitte à paraître quelque peu présomptueux au regard de « ma petite expérience », il me semble important d’ajouter que le collège ne pourra faire face à tous ces défis ainsi qu’à bien d’autres que dans la mesure où il disposera d’une véritable marge d’autonomie.
Etre chef dans des collèges de 1re catégorie / Direction 176 – Mars 2010 – pp. 39 à 43
♦ Franck Bérigaud, Principal du collège de l’Argentor – Champagne-Mouton (académie de Poitiers)
Mon parcours
En 2003, le principal adjoint stagiaire que je suis arrivait à la cité scolaire Jean Moulin de Montmorillon. Après quatre ans passés dans cet établissement, j’ai souhaité être muté sur un poste de chef. Par extension de vœux, j’ai obtenu un établissement de première catégorie dans le département de la Charente.
Pour commencer, je tiens à remercier mon épouse. Nous habitons le logement de fonction au-dessus des bureaux et elle éprouve le même sentiment de solitude que moi, avec le problème du chômage en plus : Elle ne travaille pas et, en plus, elle est, aux yeux des habitants, la femme du « chef », dans ce petit village.
Le contexte
Champagne-Mouton, environ 1.000 habitants, est situé en Charente limousine. C’est une zone rurale : la première ville, Confolens (moins de 4.000 habitants), est à une vingtaine de kilomètres. Angoulême, la préfecture, est à 65 kilomètres et à une heure, par les petites routes. Poitiers est à plus d’une heure.
Le collège de l’Argentor compte 170 élèves (deux classes par niveau, avec un effectif stable bien qu’en légère baisse), tranquille, convivial et sans problème particulier. C’est un établissement propre : les élèves dégradent pas ou peu. Il accueille le soir et le mercredi l’école départementale de musique.
Les relations avec les collectivités
Les rapports avec le conseil général sont bons. Nous sommes, souvent, considérés comme un de leurs nombreux services. Une convention existe, identique ou presque sur les 38 collèges du département.
L’ambiance est exceptionnelle malgré le peu de reconnaissance porté aux agents. L’exemple du chef de cuisine est édifiant : elle confectionne 320 repas (maternel, primaire et collège). Pourtant, elle a le même grade que ses collègues chargés du nettoyage !
En ce qui concerne les constructions, un atelier de maintenance a été livré l’an passé et le local à poubelles va naître les prochains mois.
La question « propriétaire » -service public d’enseignement « locataire » ?)- est souvent une question au centre des relations EPLE–collectivité. Les limites de compétences ne sont pas clairement définies.
Les caractéristiques du collège
Je n’ai ni adjoint, ni CPE. En revanche, un secrétaire très expérimenté, d’une qualité exceptionnelle, souvent référence du bassin, m’aide efficacement. Il n’est pas et ne sera pas reconnu à sa juste valeur car toujours deuxième classe. La gestionnaire chevronnée est un véritable bras droit. La vie scolaire compte sept demi-postes d’assistants d’éducation ; il faut contacter le pôle « emploi » pour recruter car les étudiants sont rares. Le mardi, l’infirmière est là et la COP vient tous les quinze jours une demi-journée. Deux élèves ont un parcours dérogatoire dont un avec PPS.
L’orientation
J’ai conduit l’équipe éducative à accepter la nocivité du redoublement, d’où une bonne fluidité des passages. La vie scolaire, et surtout la réussite de l’élève, s’améliorent. Le passage en seconde générale est cohérent malgré le manque de motivation des familles sachant, d’autre part, que la voie professionnelle est préférée à la voie générale. En revanche, les fuites vers les deux Maisons familiales rurales sont une habitude locale des familles. Divers éléments déstabilisants les ont amplifiées : le non-remplacement pendant un mois et demid’un professeur de mathématiques, qui a été suppléé ensuite par trois professeurs à la fois (un lundi et mardi, un autre le jeudi et un autre le vendredi) pendant un mois ; puis un contractuel a été nommé les quatre derniers mois. Peu avant, en octobre, un stagiaire IUFM avait été mis en congé par l’Inspecteur d’académie. En cours d’année, un professeur d’histoire résident a obtenu, après un long chemin douloureux pour le collège, une reconversion sur proposition du DRH du rectorat. Cette année, deux contractuels ont été nommés sur les deux postes laissés vacants en mathématiques. Un souligne les difficultés du recrutement : maintenant, je sais pourquoi il arrive de l’académie de Limoges !
L’accueil particulier de certains élèves
L’assistante sociale scolaire peut venir à ma demande. Quant au médecin scolaire, nous avons de la chance, cette année : une a été nommée sur le secteur nord-Charente. La gestion des deux enfants en Projet d’accueil individualisé (allergie et insulinodépendant) est « familiale ». Suite à leurs Projets personnalisés de scolarisation, deux autres ont juste obtenu une décision MDPH. Le matériel va être livré et l’auxiliaire de vie scolaire devrait être recrutéen CUI ! L’élève de troisième, arrivé début octobre du 91, est l’exemple du tout intégral :UPI + DP 6h + AVS et matériel + centre référent du langage + orthophoniste + assistante sociale +… Dans l’Essonne, rien : 3ème LV2. Mais sa mère le dépose le matin sans crainte ; elle n’a plus peur pour sa sécurité.
Nous n’avons pas besoin de caméras, ni de portique, ni de policier.La violence est rare, voire inexistante à l’intérieur comme à l’extérieur de l’établissement.
Un public spécifique
L’hétérogénéité des classes est à l’image des anciennes évaluations de 6ème. Elles s’étalaient à la rentrée 2008 entre 7 et 94 %. La distance entre les familles et le collège et sa SEGPA amène des parents à refuser de faire les dossiers.
Le manque de motivation et d’ambition sont des freins aux résultats et aux orientations. Pourtant, le diplôme national du Brevet montre une moyenne aux épreuves écrites supérieures à l’académie, en 2009, mais le contrôle continu inférieur fait chuter fortement le pourcentage de réussite.
Une équipe enseignante « fragilisée »
A l’heure des contrats d’objectifs avec indicateurs chiffrés, l’épuisement de la petite équipe résidente est prégnant. La disparition des PEGC a provoqué la démultiplication des blocs à moyens partagés. Soudée et volontaire, l’équipe parvient à faire adhérer les nouveaux enseignants aux multiples projets ou actions. La mise en place du socle commun de connaissances et de compétences avec ses différents outils, PDMF, A2 en LV, histoire des arts,accompagnement éducatif, et cætera est compliquée quand les enseignants, voire les enseignements, ne sont pas stabilisés : 60% de renouvellement cette année. Cinq professeurs exercent à temps complet sur le collège, deux à temps partiels et trois seront bientôt à la retraite. Dix-neuf composent l’équipe enseignante. Les autres sont en bloc à moyens partagés sur deux, voire trois établissements. La recherche, en début d’année, de compléments ou de contractuels est un challenge. La recherche en vacations des derniers petits trous est aléatoire. Les petits collèges sont en bout de ligne et l’emploi du temps est bouleversé jusqu’au 15 septembre. Certains jeudis, trois professeurs sur huit sont absents pour des stages de formation, soit 38%.
En mathématiques, deux postes d’établissement sont restés vacants ; c’est une priorité du projet d’établissement et de ma lettre de mission ! L’isolement et l’éloignement perturbent la gestion des personnels enseignants. Des personnels titulaires ou contractuels en difficulté ont trouvé des adolescents à la campagne plus paisibles. Pour les petits établissements, l’affectation, double ou triple, nuit à l’investissement et elle complique les évaluations, chefs d’établissement ou IPR, disciplinaires ou transversales, collège ou lycée. La bivalence permettrait de créer 4 à 5 postes fixes, une nécessité pour les petits collèges. Le calcul est simple : grand ou petit, pour une discipline, nous multiplions le nombre de poste par 19 heures (18 + 1HSA) plus le BMP. Dans beaucoup de matières, pour nous, il reste le bout que l’on associe avec un ou d’autres. Et la litanie de certains nous revient : « difficile de s’investir partout ».En pensant à la nomination des personnels, je pense au film de Dany Boon, Bienvenue chez les cht’is : à l’Argentor, on pleure deux fois, quand on arrive et quand on part.
Les qualités requises pour exercer dans un collège de 1ère catégorie
Pour être principal en petit collège, il faut être solide et multi-casquettes. Pas d’équipe de direction : mon secrétaire et ma gestionnaire sont mes seuls relais et, souvent, ils assurent la continuité pendant les stages, réunions, convocations etc…
Ma présence dans l’établissement est d’environ 50 heures par semaines. Je ne compte pas la responsabilité de concierge : il faut être vigilant à la fermeture des portes ; je n’ai pas eu de vol sauf une fois, au cours de ma première semaine. Je suis allé en appel à Bordeaux pour un vol de dix ordinateurs : une porte et la grille livraison étaient restées ouvertes.
Je suis CPE, infirmier, assistant social, COP, surveillant, professeur, animateur, enquêteur, policier, papa, facteur, DRH, etc. Les élèves sont nos enfants ; le contact avec les familles souligne le respect à l’école. La menace de fermeture est le serpent de mer mais l’éloignement est là. 97% des élèves sont demi-pensionnaires et 65% utilisent les ramassages scolaires.Certains ont 45 minutes de transport.
De Mantes-la-Jolie, où j’ai enseigné dans les années 90, à aujourd’hui, le monde de l’éducation est divers et transformé. La formation d’un personnel de direction dans un collège rural permet d’appréhender notre métier dans sa complexité.
En trois ans, j’ai vécu des expériences multiples, variées et exaltantes. En rien, je ne regrette mon choix de m’investir, malgré les nombreuses et diverses turbulences qui chahutent parfois notre petit naviresur son affluent calme et paisible, l’Argentor. Ce nom vient de la rencontre des ruisseaux Argent et Or sur la commune. Un jour prochain, un bateau plus important pourra m’être confié mais je perdrais, surement, un petit quelque chose. Et je verserai, peut-être, ma petite larme.
♦ Patrick Broquet, Principal du collège des Roises – Piney (académie de Reims)
Quelques informations sur mon parcours professionnel
Je suis entré dans la fonction en septembre 2004 comme adjoint dans un collège urbain en ZEP. J’y ai passé trois années enrichissantes avec trois principaux différents (si, si c’est possible !). A la rentrée 2007, j’ai été nommé principal dans un collège rural situé à 20 km de Troyes. Le choix de cet EPLE de 1ère catégorie répondait, après trois années comme adjoint, à un désir fort de piloter un établissement en responsabilité propre.
Mon EPLE
Un établissement de 1ère catégorie implique le plus souvent le fait d’être seul à la direction. Certes, le CPE peut être une aide précieuse et c’est ici le cas mais on ne peut lui demander de se positionner comme un principal adjoint. L’éloignement géographique peut également être vécu comme un handicap, d’autant plus que l’on rechigne à s’absenter trop souvent de l’établissement. La gestionnaire, présente depuis 29 ans, compétente et avec qui je partage un poste de secrétariat, dirige une équipe d’agents équivalent à 7 ETP. Le collège connaît une augmentation régulière de ses effectifs : 239 élèves en 2004 et 327 à la prochaine rentrée. L’établissement étant plutôt calme en matière de vie scolaire, l’aspect pédagogique a repris une place importante dans ma fonction. Ainsi, j’ai pu initier des projets culturels et m’y investir aux côtés d’une équipe enseignante dynamique et renouvelée à 50 % en trois ans. La vingtaine de professeurs qui interviennent sont à parité hommes/femmes, ce qui est rare dans l’Éducation nationale.
La gestion au quotidien
Lors de ma nomination, j’ai eu deux types de commentaires récurrents : « N’y reste pas trop longtemps, tu vas t’y ennuyer » et « en sortant de là, tu auras touché à tout ». Hé bien, je peux déjà assurer que l’on ne s’y ennuie pas ! Déjà parce que j’y effectue des tâches que je déléguais dans l’établissement précédent. Lorsque j’ai pris mes fonctions en 2007, j’ai débuté par deux mois sans secrétaire, ce qui me servira prochainement puisque la secrétaire actuelle est contractuelle et, de ce fait, ne travaillera pas en juillet et en août.
Mais, désormais, je maîtrise l’outil SCONET et les logiciels informatiques ! D’ailleurs, dans ces petites structures, on devient vite polyvalent. Une journée classique peut se révéler être une succession d’actions très différentes : gestion d’un élève perturbateur, signature d’une convention, choix de la couleur d’une étagère, gestion d’un remplacement, soigner un bobo, concertation avec des professeurs, répondre à un parent, régler un souci d’emploi du temps, délégation d’heures sur ASIE, discussion sur le menu, « réparer » le photocopieur…
Représentation de la fonction
J’ai découvert l’importance de notre représentation à l’échelon local. Plus qu’en ville, notre participation aux vœux du maire, au 11 novembre, à la foire agricole et à toute autre manifestation est perçue comme autant de signaux nécessaires de notre implication à la vie du canton. J’ai de bonnes relations avec la mairie de résidence du collège ainsi qu’avec la communauté de commune. Le conseil général de l’Aube est également un partenaire privilégié. Et je fais partie d’une délégation du SNPDEN qui est reçue chaque année en audience pour y évoquer les sujets communs.
Analyse de la situation
Voici donc trois ans que je dirige cet établissement aubois et je ne regrette absolument pas mon choix et encore moins celui d’être passé du statut d’adjoint à celui de chef d’établissement. Et si je suis ravi de découvrir qu’il existe encore des lieux où l’on peut travailler sereinement, je constate depuis deux ans plusieurs évolutions : une dégradation du système des remplacements, une hausse progressive des élèves par classe et une forte augmentation des HSA à répartir sur les enseignants (10 % de la DGH et plus de deux de moyenne par enseignant). Je me demande jusqu’où le « travailler plus pour gagner plus » poussera sa logique. Mais cette hausse des HSA annonce la mort prématurée de l’accompagnement éducatif et du système de remplacement de courte durée. Quelle que soit la volonté des personnels, ils ne peuvent assumer davantage. Aujourd’hui j’essaye de profiter au mieux de la marge d’autonomie dont nous disposons (étroite mais réelle) en concertation avec l’équipe enseignante.
Sur l’avenir
Il me semble que nos missions s’étendent de plus en plus et que nos compétences se doivent de couvrir un champ plus large qu’il y a quelques années. En ce qui concerne mon avenir, j’espère obtenir prochainement un établissement plus important. Sur un avenir plus lointain, je ne ferme pas la porte à une nouvelle orientation de carrière.
♦ Pierrette Grimaldi, Principale du collège Moltifao (académie de Corse)
Mon parcours
J’ai fait neuf ans au collège de Moltifao, collège de 1ère catégorie. Auparavant, j’avais exercé quatre ans au collège de Porticcio, collège de 2ème catégorie.
Ce qui a motivé mon choix de venir dans cet établissement, c’est, tout d’abord ma situation personnelle : mon époux est fonctionnaire à l’Université de Corse (à 25km) donc je voulais opérer un rapprochement de conjoint. D’autre part, j’aime travailler dans le rural où les conditions d’exercice sont plus sereines.
Caractéristiques de l’établissement
Petit collège de 140 élèves, les langues qui y sont enseignées sont l’anglais, l’espagnol et le corse. Les personnels d’encadrement sont au nombre de trois : un personnel de direction, un CPE et un gestionnaire. Dix-sept enseignants complètent l’équipe des personnels, ainsi que trois aide-éducateurs, cinq ATOSS, un COP (présent un jour par semaine), un médecin et une infirmière (présents par phases de permanence).
Le collège de Moltifao est situé en zone rurale, dans une microrégion assez vaste ; les élèves sont très majoritairement issus du milieu agricole ou d’employés et de quelques professions libérales. Les élèves sont très agréables : aucune incivilité ni violence n’est à remarquer et le déroulement des trimestres se fait de façon quasi sereine.
Un établissement tranquille
L’équipe enseignante, très soudée autour de sa direction, travaille en interdisciplinarité et met volontiers en place une pédagogie par objectifs, ce qui entraîne beaucoup de réunions pédagogiques entre midi et 14 heures afin d’harmoniser les pratiques.
Les partenaires extérieurs sont nombreux : comédiens, musiciens, animateurs etc. Le « désert culturel » autour de l’établissement concourt à placer celui-ci en lieu culturel en plus d’être un lieu d’enseignement ; il faut éviter que le collège soit une cathédrale dans le désert. Il règne donc une très bonne entente au sein de l’équipe enseignante et une très bonne entente avec l’équipe de direction.
Le CPE vient d’être nommé ; il vient de l’académie d’Aix-Marseille et exerçait dans des zones très difficiles. Il s’est parfaitement adapté et amène du « sang neuf » dans une équipe déjà structurée. Il apporte un vrai bol d’air.
Le gestionnaire est très à l’écoute des enseignants et est proche de la vie scolaire au sein de laquelle les aide-éducateurs effectuent un travail de qualité avec beaucoup de sérieux et de disponibilité. D’ailleurs, on constate, pour l’ensemble de la communauté, un très faible absentéisme.
Le collège est également doté d’une structure bilingue français/corse. L’enseignement se fait dans les deux langues et, en histoire-géographie, uniquement en langue corse. Cela s’ancre profondément dans une région à très forte identité culturelle.
Des handicaps structurels
La masse critique des élèves étant péniblement atteinte, cela entraîne une difficulté pour dégager des pôles d’excellence alors que l’enseignement y est de qualité.
De plus, des fratries d’élèves se sont succédé au collège ; cela produit une stabilité du milieu qui est de nature à empêcher tout mélange, tout « métissage » générateur d’ouverture et de tolérance vis-à-vis d’autrui ou des différences.
Il n’y a pas de documentaliste alors qu’il existe un fonds très important au CDI.
Même si l’établissement développe des structures très fortes, le manque d’environnement culturel à l’extérieur crée des phénomènes d’appauvrissement et il faut constamment remédier à ces carences par un développement structuré de l’offre culturelle extérieure à l’établissement mais cela reste cependant scolaire.
On peut donc observer un certain renfermement du collège sur lui-même. Cependant, le maillage des territoires, très important en Corse où la collectivité territoriale de Corse (CTC) a beaucoup de pouvoir en matière d’éducation (les collèges et lycées dépendent de la CTC et non du conseil général en ce qui concerne les collèges), fait qu’aucun risque de fermeture ne pèse sur un établissement de cette taille (il y en a au moins six en Corse). Au contraire, tout vise à les renforcer.
Relations avec les collectivités et le rectorat
Le collège a de très bons rapports avec la CTC et avec le rectorat pour ce qui est des moyens. Les enseignants sont toujours remplacés en cas d’absence. Les moyens en matière de DGH sont accordés ; ainsi, pour 140 élèves, il existe 8 divisions dans le collège (une division bilingue et une non bilingue par niveau), ce qui entraîne un effectif de moins de 20 élèves par niveau.
Malgré quelques difficultés structurelles liées à l’environnement, à la ruralité et au manque de mixité sociale, le collège s’épanouit et il fait bon y travailler.
En guise de conclusion, je pense tout de même aller dans un établissement plus urbain. Quant à l’EPLE idéal, il n’existe pas à mes yeux : chaque EPLE définit sa personnalité dans un contexte qui lui est propre et en fonction des moyens qui lui sont attribués.
♦ Martine LEBRUN, Principale du collège Jacques-Yves Cousteau, Bertincourt (académie de Lille)
Situation actuelle
A la fin de mes études, j’ai été recrutée par une entreprise privée comme responsable juridique d’une société immobilière. J’ai commencé ma carrière dans l’Education nationale en 1978. J’ai enseigné le droit, l’économie et la gestion en lycée et j’ai terminé par l’enseignement de la logistique en lycée professionnel.
Postes occupés
J’ai débuté dans la fonction sur un poste de faisant fonction de proviseure adjointe au lycée professionnel Vauban de Cambrai en 2002. Reçue au concours en 2003, j’ai été nommée principale adjointe au collège Lamartine de Cambrai, collège qui disposait d’une UPI pour enfants porteurs de handicap moteur. J’y ai effectué 5 années avant de demander ma mutation sur un poste de chef d’établissement en 2008.
Le collège dans lequel j’exerce actuellement
Depuis 2008, je suis principale d’un collège rural de 307 élèves, avec une forte proportion de CSP défavorisées ; les effectifs sont en hausse régulière. Ce collège accueille 14 divisions (depuis l’an dernier, deux ont été créées depuis mon arrivée). La quasi-totalité des élèves sont demi-pensionnaires (247). Notre service de restauration accueille également les classes de primaire et de maternelle de l’école voisine (environ 320 repas/jour). J’ai sous ma responsabilité une cinquantaine de personnels dont 30 enseignants. L’établissement recrute sur 23 communes (certaines sont des hameaux par ailleurs). Le collège commence les cours à 9 h ( en raison des circuits de transport : les enfants ont un bus le matin et un le soir). Nous faisons la journée continue.
Le collège au quotidien
L’équipe de direction est réduite : un chef d’établissement et une gestionnaire, gestionnaire avec laquelle j’ai noué une réelle complicité, complicité nécessaire pour piloter un établissement de cette taille.
Il est primordial que l’information circule de façon très fluide et que les personnels sentent une solidarité dans les membres de l’équipe. Nous nous concertons très régulièrement et il faut admettre que les réunions de l’équipe de direction ne sont pas instituées comme dans un établissement de grande taille. Le relationnel avec la CPE est plus difficile à appréhender, peut-être parce qu’elle ne se situe ni dans l’équipe de direction, ni dans l’équipe enseignante et que des rivalités entre les membres de l’équipe de direction antérieures à mon arrivée interdisent toute possibilité de réunion de l’équipe de direction telle qu’elle devrait exister, d’où la difficulté, pour le chef d’établissement, de garder un climat serein, de faire en sorte que tous les partenaires disposent de l’information en temps voulu.
Depuis cette année, un demi-poste de secrétariat a été supprimé dans le cadre de la restructuration des agences comptables. Ce poste était occupé par une personne très expérimentée, tenant plus d’une collaboratrice que d’une secrétaire. C’est une suppression que j’ai beaucoup de mal à m’expliquer car nos effectifs sont en hausse donc avec une charge de travail supplémentaire.
Dans un établissement de première catégorie, sans adjoint, la charge de travail est déjà très importante et un secrétariat de direction à temps complet me paraît primordial. Aucune délégation n’est possible : il faut être capable de connaître et de gérer tous les dossiers ; le terme « polyvalence » prend tout son sens. L’existence du couple chef-adjoint permet un dialogue, un échange de pratiques, une confrontation d’idées ; dans un établissement tel que le collège Cousteau, j’ai souvent l’impression de me « sentir seule », d’avoir à porter seule de lourdes responsabilités et de me demander si les décisions que j’ai prises sont les bonnes.
Une journée type
J’arrive vers 8h- 8h30 pour vérifier que tous les agents sont à leur poste et que le travail demandé est bien réalisé (ma gestionnaire le fait plus souvent que moi). Ensuite je vérifie les serveurs informatiques : nous avons souvent des microcoupures et le serveur Pronote que nous utilisons est inaccessible. 8h45 : passage au bureau de la CPE et échanges ; passage par la salle des professeurs et échanges ou se rendre dans la cour pour surveiller les entrées d’élèves et ceux qui doivent être pris en charge par un assistant d’éducation (en raison de l’absence d’un professeur, d’un retard, ou parce qu’ils ont une heure de permanence). Retour au bureau et mise au point avec la secrétaire lorsqu’elle est sur l’établissement, c’est-à-dire en fin de semaine. La matinée se passe en travail administratif, montage de dossier, rendez-vous, téléphone, accueil de parents, de professeurs…
Entre 12h et 12h30, petit tour à la demi-pension pour vérifier si tout se passe bien et pouvoir renseigner les parents qui téléphonent généralement pour des banalités (choix des desserts, temps pour manger etc.), mais également la commune qui met à notre disposition du personnel et qui souhaite avoir notre avis sur leur manière de servir. Retour au bureau à la fin du service vers 12h50 ; il m’arrive même assez souvent de recevoir des professeurs qui profitent de leur temps de repas pour me rencontrer. Bien souvent, je bénéficie à peine d’une demi-heure pour ma pause repas. 14h : reprise du travail au bureau (dossiers, projets, rendez-vous). Lorsque ma secrétaire n’est pas là, je gère le courrier électronique l’après-midi, je rédige les courriers urgents, je fais les photocopies urgentes… (Bref ! je réalise le travail du secrétariat en plus de mon travail de responsable d’établissement). 17h : contrôle des sorties d’élèves, notamment le parking où les bus attendent nos collégiens. La sortie est également une façon « d’approcher » certains parents que l’on ne voit jamais au collège et qui, se trouvant sur un terrain « neutre », engagent souvent la conversation et nous communiquent des informations. Retour au bureau pour attendre la fin de l’accompagnent éducatif (18h). Pointage avec la secrétaire du travail urgent pour le lendemain. 18h : sortie des élèves de l’accompagnement éducatif, il arrive fréquemment qu’un parent soit en retard, donc il faut prévenir la famille, garder le jeune à l’administration et attendre que l’on vienne le chercher. 19h, 19h30 : retour vers le domicile sauf si des réunions sont prévues.
Etre sur tous les fronts en même temps, c’est généralement ce qui arrive la plupart du temps. Connaître tous les dossiers, répondre à toutes les sollicitations. Travail certes très enrichissant, très varié, mais qui demande un rythme soutenu, une bonne capacité d’organisation pour ne pas se faire « déborder » et une certaine force de caractère pour pouvoir tout assumer.
Relations avec la collectivité territoriale
Les relations avec la collectivité territoriale sont bonnes ; les référents « collège » jouent un rôle d’intermédiaire très appréciable et peuvent relayer nos demandes et appuyer nos projets. Le souci du département du Pas-de-Calais, celui de la qualité du bien-vivre dans les collèges, permet d’envisager une réhabilitation des collèges anciens et des dotations en matériel non négligeables. Les appels à projets rendent possible également l’obtention de moyens financiers pour mettre en place des projets innovants. Notre éloignement de tout centre culturel nous contraint à dépendre des transports en communs donc cela engendre des frais supplémentaires que n’aurait pas un collège de centre ville.
Caractéristiques du collège
Le plus gros travail consiste à renouer le dialogue avec les familles et d’en faire des partenaires. Une augmentation du taux de participation aux réunions parents-professeurs est un indicateur permettant de voir que la politique menée porte ses fruits.
En milieu rural, les élèves et leurs familles ont généralement des choix d’orientation peu ambitieux : peur de l’échec, réticence à se déplacer dans les villes voisines, choisissant plutôt le lycée professionnel de proximité (problème lié aux déplacements), peur de la ville….
« Piloter », « impulser », « dynamiser », « convaincre », « diriger », « coordonner », « contrôler », « évaluer », « diagnostiquer »… sont des verbes d’actions et nécessite de la part du chef d’établissement de la disponibilité, de l’écoute, de la réactivité, de l’attention permanente, le principal ennemi étant le temps.
Etre principale d’un petit établissement, c’est être sur tous les fronts en même temps, répondre à toutes les attentes, celles des personnels mais aussi des parents, des élèves, de notre hiérarchie. Le rythme de vie est très pesant. Lorsqu’une dynamique est mise en place, il faut être près des équipes, à leur écoute, et travailler avec elles pour ne pas casser la synergie. Il est vrai que l’on sollicite souvent les mêmes personnes puisque, dans la majorité des disciplines, il n’y a qu’un professeur ou deux ; il faut donc trouver le bon dosage dans le rythme des réunions. Il faut également être très disponible ; c’est vers le chef d’établissement que tout le monde se tourne lors d’un problème.
Mes projets
J’aimerais obtenir une mutation sur un collège de catégorie supérieure afin de mettre à profit tous les enseignements tirés du pilotage d’un établissement de première catégorie.
Pouvoir aussi partager le pilotage avec un adjoint et participer à la formation des personnels de direction stagiaires sont des projets qui me permettraient de partager mes expériences et mon vécu.
L’EPLE idéal
Je ne pense pas que l’EPLE idéal existe mais je crois tout simplement que, pour remplir nos missions, tout établissement devrait comporter une équipe de direction au complet et être de taille humaine (pas plus de 500 élèves, notamment en collège).
Avoir constamment à l’esprit que notre rôle est de fournir à l’enfant une raison de travailler, lui montrer les obstacles à affronter, l’accès à la classe suivante, le diplôme à obtenir et lui faire valoir que, par son travail, il est capable de réussir, que le succès lui apportera de la fierté et des avantages, que l’éducation doit lui permettre de bien s’intégrer dans la vie sociale, de le préparer à exercer son rôle de citoyen et, enfin, de le former à une activité professionnelle.
Mon premier poste de chef / Dossier Direction 178 Mai 2010 – pp. 44 à 48
♦ Sylvie Le Roy-Morançais, Principale du collège A. Césaire, L’Etang Salé (académie de La Réunion)
Mon parcours avant d’arriver sur mon premier poste de chef
Personnel de direction depuis septembre 2000, j’exerce dans mon premier poste de chef depuis août 2008, dans le collège Aimé Césaire, situé à Etang Salé, dans l’académie de La Réunion.
Mon parcours dans l’Education nationale a débuté en 1982, à la Réunion, où j’ai intégré l’Ecole normale pour devenir institutrice. Après 9 années d’exercice dont 6 à l’étranger, dans une école de société en Indonésie, j’ai eu envie de me diriger vers la fonction de chef d’établissement. Afin de mieux connaître le second degré, j’ai choisi de passer d’abord le concours de CPE en 1996. Cette étape m’a vraiment permis d’appréhender l’organisation et la vie d’un EPLE.
Lauréate du concours de personnel de direction en 2000, j’ai été nommée adjointe au collège Joseph Bédier à Saint-André, dans l’est de la Réunion. L’immersion dans la fonction est brutale : du jour au lendemain, on se retrouve dans le siège d’adjoint et il faut faire face aux diverses tâches qui nous sont dévolues.
Pour diversifier mon expérience, j’aurais préféré, pour mon deuxième poste d’adjointe, un poste en lycée, mais mes vœux ont été essentiellement géographiques pour ne pas trop perturber la scolarité de mes trois enfants et c’est le collège Bourbon, à Saint Denis, qui m’a accueillie.
Après huit années d’adjointe, j’avais hâte de me frotter aux responsabilités de chef. La Réunion est une académie particulière où le mouvement est très étroit. J’ai profité de l’opportunité de l’ouverture d’un nouveau collège, catégorie 1, pour tenter de l’obtenir. Ma benjamine venait d’obtenir son baccalauréat et je pouvais élargir mes vœux vers le sud. Au plaisir de m’essayer à ce nouveau rôle se mêlait la joie de démarrer un établissement neuf où j’aurais à tout mettre en place. C’était grisant et aussi inquiétant.
S’organiser très vite
Me voici nommée au collège intercommunal Etang Salé-Avirons qui ne sera baptisé « Aimé Césaire » qu’un an plus tard. Situé sur la commune de l’Etang Salé, c’est le seul collège intercommunal de l’île, créé pour recevoir des élèves de l’Etang Salé et des Avirons afin de désengorger les collèges respectifs des deux communes.
Etang Salé, commune rurale et balnéaire de 14.000 habitants, au sud-ouest de l’île, à 70 km du chef-lieu, offre un cadre magnifique : une immense plage de sable noir, un petit port naturel et, en arrière-plan, la montagne avec tous ses dégradés de verts.
Avec le recul, je peux dire que ce fut un vrai parcours du combattant. J’étais sur deux fronts : fin d’année scolaire au collège Bourbon (plus de 1.000 élèves) avec quelques nouveautés au brevet assez chronophages et préparation de la rentrée du collège où j’allais prendre mes fonctions. Pas de personnels en place, pas de documents, pas de bureau…
Deux défis devaient être relevés : organiser les inscriptions en juin et pouvoir accueillir matériellement les élèves à la rentrée d’août.
Tout d’abord, la priorité fut de rassurer les parents d’élèves qui sont toujours un peu inquiets face à un nouvel établissement, d’autant plus que celui existant jouit d’une bonne réputation. Exerçant au collège Bourbon, il m’a donc fallu dégager du temps pour organiser des réunions dans les cinq écoles du secteur de recrutement et, à la Réunion, les distances ne se comptent pas en km mais en heures.
Le principal du collège voisin ayant mis à notre disposition des locaux et du personnel, j’ai pu, avec l’aide de la CPE nommée sur le collège, organiser les inscriptions dans de bonnes conditions. Il a bien sûr fallu créer et faire imprimer des carnets de liaison, des tampons, un logo…
En juillet, le collège ressemblait encore à un chantier : les voies d’accès n’étaient pas livrées, le matériel scolaire pas encore arrivé. Quinze jours avant la rentrée, j’ai dû batailler pour obtenir le contrat EDF, le téléphone et l’abonnement internet…
J’avais l’impression d’être un « homme-orchestre » : chantier, inscriptions, matériel mais aussi, comme d’habitude, emploi du temps, professeurs, organisation pédagogique.
Le travail en partenariat avec le conseil général s’est vraiment déroulé dans de bonnes conditions et la réalisation finale est, à mon avis, très réussie .Le collège, prévu à terme pour 700 élèves, bénéficie d’une belle architecture respectant les critères environnementaux. Uniquement sur deux niveaux, les bâtiments, recouverts de brise-soleil en bois, s’organisent autour d’une cour centrale agrémentée de palmiers. Nous avons beaucoup de chance !
Le collège a ouvert ses portes en août 2008, dans les délais, accueillant uniquement le niveau 6ème : 5 divisions, 117 élèves, une école presque ! Cette année, 261 élèves sont scolarisés sur deux niveaux, 6° et 5°.
Être chef, quelle différence ?
Je décide seule et je suis responsable de tout.
Je crois que tout est dit : le plaisir de faire ses choix, l’angoisse que ce ne soient pas les meilleurs, le poids de la responsabilité, même de ce à quoi on ne pense pas.
On parle de la solitude du chef, j’en fais l’expérience : une certaine distance s’est installée entre des professeurs, les agents et moi ; en tant qu’adjointe, j’étais plus proche. Personne n’est à incriminer ; je crois avoir adopté une attitude différente et eux aussi. C’est la fonction qui veut ça.
Avec ce poste, j’ai beaucoup de chance : chaque année, un niveau supplémentaire, des créations de postes, une nouvelle structure… Cependant j’exerce seule et j’aimerais bien pouvoir échanger, partager avec un adjoint, lui confier certains dossiers que j’ai l’impression de survoler. En 2011, il y a des chances que le poste soit créer et j’envisage une nouvelle dimension du rôle de chef : déléguer.
Quel projet dans les années à venir ?
Il me tient à cœur d’amener la première cohorte d’élèves jusqu’au diplôme national du brevet (DNB). Ce sera une évaluation du travail réalisé en quatre ans. Ensuite, je postulerai pour un autre poste de chef dans un plus gros collège ou en lycée. Je n’envisage pas de reprendre un poste d’adjoint à moins que ce ne soit pour obtenir un poste en TOM ou à l’étranger mais je ne crois pas qu’on puisse facilement revenir en arrière.
♦ Jean-Pascal Valet, Principal du collège G. de Conches, Conches-en-Ouche (académie de Rouen)
Mon parcours avant d’arriver à ce poste
Tout mon parcours professionnel s’est déroulé dans l’Education nationale. MI/SE en collège et en lycée pendant 4 ans pour payer mes études, je suis devenu CPE par concours en 1994 pendant 8 ans : 7 ans en collège et une année en lycée.
Lauréat du concours des personnels de direction, promotion 2002, j’ai été affecté au collège Ariane de Vernon, établissement ZEP, comme principal adjoint. J’y suis resté 6 ans et j’ai travaillé avec deux chefs (3 ans chacun).
Au passage, bonjour Jacques, bonjour Evelyne. J’ai beaucoup aimé cet établissement même s’il y a eu des moments très durs, « sportifs » pourrait-on dire, mais les gamins étaient vraiment attachants.
Jacques, mon premier chef, a été mon véritable tuteur. On ne dira jamais assez le rôle fondamental de formation du chef d’établissement d’accueil.
Les deux premières années ont été difficiles : être en formation à peu près 2 jours par semaine avec l’impression d’être toujours débordé dès le retour au collège, les problèmes à gérer en plus. La troisième année, j’ai pu me poser enfin et mieux m’organiser. La formation en alternance est, à mon sens, la meilleure mais elle a un inconvénient : elle est trop lourde (du moins l’ancienne formule sur 2 ans).
Le couple chef-adjoint a été très satisfaisant avec les deux chefs avec lesquels j’ai travaillé, même si les styles étaient différents. Jacques avait (a) une capacité de travail vraiment impressionnante ; ceux qui le connaissent savent de quoi je parle. J’ai une grande estime pour ces deux personnes.
Après 5 ans d’exercice, j’ai décidé de demander une mutation sur poste de chef. Je pensais avoir fait le tour, à Ariane. Pour diverses raisons, je croyais vraiment avoir une mutation. Aussi, quand je ne l’ai pas obtenue, la déception a été grande. Puis j’ai fait abstraction de cela pour me concentrer sur mes missions. L’année suivante, j’ai redemandé une mutation et je l’ai eue.
Mon arrivée sur ce poste
J’avais pris rendez-vous avec l’IA-IPR établissement et vie scolaire pour qu’il vérifie la cohérence de mes vœux et mes chances de réussite. J’ai fait 10 vœux : 6 d’établissements et 4 de zones géographiques. J’ai obtenu ma mutation sur mon dixième vœu de zone géographique. Coup de fil du SNPDEN : j’ai ma mutation. Conches-en-Ouche ? C’est où ça ? Surprise passée, moment de joie intense.
La « passation » s’est faite en douceur. 3 demi-journées de rencontre avec le prédécesseur ainsi que des contacts téléphoniques. Eric a tout fait pour me donner « les clés » de l’établissement, ses spécificités, ses atouts, ses faiblesses. Merci à toi Eric. Je sais, par des collègues, que le relais ne se fait pas toujours dans de bonnes conditions. Le collège Guillaume de Conches est neuf : il a 4 ans et je le trouve superbe (venez voir le site du collège…). Eric m’avait dit : « Jean-Pascal, pour l’instant, la rentrée ne pourra pas se faire… »
En effet, l’établissement est prévu pour 600 élèves. Il y a, en 2007/2008, 598 élèves et 700 sont attendus en 2008/2009 ! L’établissement est donc trop petit. Il y a actuellement 660 élèves. Défi relevé, la rentrée s’est faite après de nombreux travaux dans l’établissement. L’agrandissement du réfectoire s’est terminé le jour de la prérentrée.
Titre du journal local : « Rentrée au collège Guillaume de Conches : des élèves en plus, des soucis en moins ».
Nous passerons la borne des 700 l’an prochain et l’établissement passe en 3ème catégorie avec des travaux pour cet été qui s’achèveront en novembre 2010. Bonjour les vacances, d’autant plus que j’occupe le logement de fonction.
Il n’y a pas de problème particulier dans cet établissement mais les professeurs non remplacés sont un gros souci (petite, courte et grande durée) et, donc, les heures de cours non assurées sont en augmentation. Pas toujours facile de répondre à des parents inquiets et/ou en colère.
Etre chef, les bons côtés
On parle d’équipe de direction mais y a-t-il plusieurs chefs pour un établissement ? Non, à mon sens, c’est-à-dire que la responsabilité finale ne se partage pas.
Le bon fonctionnement du couple chef-adjoint est primordial sinon ça se sait très vite et c’est préjudiciable à l’établissement. Mais, au bout du compte, quand il y a une décision importante à prendre, c’est le chef d’établissement qui la prend. Et, s’il y a problème, c’est lui qui rendra des comptes à la hiérarchie, voire aux tribunaux.
C’est aussi répartir la DHG, préparer un budget avec la gestionnaire, faire des choix, faire des réunions avec les agents (beaucoup plus rare quand on est adjoint), rencontrer le personnel du conseil général, les élus locaux (quand il n’y a qu’un établissement dans une commune, se présenter au maire au début est indispensable) etc. En fait, pour moi, la différence adjoint-chef est aussi dans l’appréhension vraiment globale de l’établissement et de son environnement extérieur alors qu’en tant qu’adjoint, on est plus centré sur le « pédagogique » de l’établissement.
Mon adjoint ? C’est un camarade de promotion ! Nous en avons discuté dès le début et il n’y a aucun problème. Notre complicité professionnelle est réelle et connue de tous. Pascal, si tu veux rester plusieurs années avec moi… Quand il partira, j’ai de bonnes chances d’avoir un adjoint stagiaire mais, bon. Commencer sur un 1er poste de chef avec un adjoint très compétent et qu’en plus, on apprécie, je peux dire que j’ai eu de la chance.
Les difficultés, obstacles
Les difficultés, c’est le revers de la médaille ! Un exemple : un voyage scolaire est prévu. Il y a des intempéries importantes ; doit-on le maintenir, le reporter, l’annuler ? Prendre évidemment l’avis de l’adjoint, du gestionnaire mais, là, il y a une décision importante à prendre et on est le seul à pouvoir la prendre. Si je fais une erreur de jugement, les conséquences peuvent être lourdes. A ce moment-là, on sent le poids de la responsabilité, vraiment !
Des obstacles, des résistances, il y en a. Présider un conseil d’administration de 30 personnes sur la répartition de la DHG, dans un contexte économique difficile, je vous laisse imaginer…
Il y a des moments durs. Je suis dans ma deuxième année de chef, le métier me plaît mais, dans les moments où « le navire tangue un peu », du soutien est nécessaire ; et là un adjoint loyal est primordial. On peut échanger, relativiser, prendre du recul. Ma compagne dirige un établissement sans adjoint et là, c’est vraiment dur : pas de possibilité d’échanges. On ne peut pas parler de certaines situations avec un CPE, par exemple, de la même façon qu’avec un adjoint, c’est impossible.
Les travaux, je l’ai dit, ce n’est pas l’idéal. Certes, c’est intéressant mais les contraintes sont nombreuses (les alarmes à défaire et remettre, les portes qui restent ouvertes après le départ des ouvriers ; la CPE, ma voisine, se souvient encore de ce maçon qui a sonné à sa porte : elle ouvre ; il a un sceau à la main et demande … de l’eau !
Ça, c’est le matériel ; il y a également (et c’est le plus important) la gestion des ressources humaines. Par exemple, annoncer une DHG en baisse (alors que l’effectif « élèves » ne baisse pas) lors d’une assemblée générale de 45 professeurs ; préparez-vous à vous « blinder » : vous êtes le représentant de l’Etat, donc du ministre et donc défenseur de sa position.
L’avenir
Pour l’instant, je compte rester à peu près 5 ans. Trois ans pour moi, c’est trop court ; on n’a pas vu une cohorte complète (de la 6ème à la 3ème).
Après 5-6 ans, les gens te connaissent « trop » et c’est pareil pour toi, tu les connais trop. Si tu as des choses à changer dans l’établissement et si tu n’y es pas arrivé en 5 ou 6 ans, je crois que tu n’y arriveras plus.
Pour le prochain poste, j’aimerais connaître le lycée. En tant que CPE et personnel de direction, j’en suis à 16 années de collège alors je peux dire que je connais.
Mais demander un lycée ne veut pas dire l’obtenir ; on verra bien. Il faudra sûrement étendre les vœux et demander conseil… au SNPDEN.
L’évolution du métier ? Un métier passionnant mais qui est difficile et le sera, à mon avis, de plus en plus. Des responsabilités très importantes à assumer aussi.
Dernièrement, je comparais les missions et les métiers de chef d’établissement et d’IA-IPR qui sont (dans leur fiche « métier ») des cadres supérieurs de l’Education nationale. Nous, nous sommes des cadres ; pourtant au niveau des responsabilités, en avons-nous moins ? Non et je suis même persuadé du contraire. Je crois qu’il y a, là, un manque de reconnaissance.
♦ Christine BARTAK, Principale du collège Marie Mauro Fayence (académie de Nice)
Mon parcours professionnel
Je suis entrée dans le corps des personnels de direction en 1999. Auparavant, professeure d’éducation musicale dans le Val d’Oise, à Sarcelles et à Cergy-Pontoise, j’ai également exercé comme faisant-fonction pendant deux années, en collège et en lycée professionnel.
J’ai choisi la diversité des expériences tant au niveau de la mobilité que des types d’établissement.
Tout d’abord nommée principale adjointe dans l’académie de Versailles dans un collège du Val d’Oise où le public offrait une réelle mixité sociale, j’ai ensuite été affectée successivement en ZEP dans l’académie de Nice comme principale adjointe dans un collège de 900 élèves avec SEGPA, puis comme proviseure adjointe d’un lycée polyvalent de 4ème catégorie exceptionnelle comptant plus de 2.000 élèves.
J‘ai pu, aux côtés des différents chefs d’établissement, appréhender l’ensemble des tâches qui incombent aux personnels de direction, vivre des expériences très variées et riches d’enseignement dans le fonctionnement d’une équipe de direction et dans le pilotage d’un établissement scolaire.
En 2008, j’ai obtenu un poste de principal au collège Marie Mauron à Fayence. Ma demande de mutation ne mentionnait pas cet établissement mais, ayant eu connaissance de la décision tardive du départ à la retraite du collègue, j’ai postulé sur ce poste en extension de vœux, au mois de janvier 2008.
Caractéristiques de l’établissement
Collège de 600 élèves, il est situé dans une zone rurale en pleine expansion de l’arrière-pays de l’est varois. Il offre un environnement agréable et de bonnes conditions de travail qui permettent une stabilité des équipes. La population scolaire, recrutée sur un vaste secteur, est très diversifiée : d’une part, issue d’une culture traditionnelle, provençale et rurale et, d’autre part, venue de migrations récentes, liées à la pression immobilière du littoral, sans attaches culturelles profondes. Eloignés de leur lieu de travail, les parents sont peu disponibles et s’appuient sur l’établissement. Cette situation socioculturelle se traduit par une incivilité importante.
Les premiers jours : mon état d’esprit
Les années vécues auprès de chefs d’établissement très différents m’ont permis d’aborder ma première rentrée de principale sereinement. De plus, j’ai eu la chance d’être formée sur la politique économique et la gestion financière par le dernier proviseur avec qui j’ai travaillé et que je remercie.
Très bien accueillie dans ce collège, ma première impression a été positive et m’a motivée encore davantage dans ces nouvelles fonctions. Cependant, avant la rentrée, que de questions ! Vais-je être à la « hauteur », savoir déléguer ? Saurai-je installer un climat de confiance ? Serai-je capable de motiver les équipes ?…
J’ai un peu redouté la réunion de prérentrée : c’est un exercice qui paraît si simple quand on est à côté du « chef » ! Une fois les premières émotions dissipées, la réunion s’est déroulée dans une atmosphère paisible.
Etre chef : les bons côtés
Bien que chargé de nombreux dossiers par délégation totale ou partagée, les missions de l’adjoint résident principalement dans l’organisation et la gestion quotidienne de l’établissement.
Etre chef d’établissement, c’est anticiper, mobiliser, convaincre les équipes, créer une dynamique, piloter l’établissement tant au niveau pédagogique que financier… Autant de missions qui m’exaltent et m’encouragent encore plus à aller de l’avant, toujours dans le souci d’une meilleure réussite des élèves.
J’accorde beaucoup d’importance à la loyauté, à la cohésion, voire à la complicité entre les membres de l’équipe de direction ; c’est un gage de réussite et c’est au chef d’établissement de créer ce climat de confiance.
Les difficultés et les obstacles
Une des principales difficultés rencontrées, c’est la méfiance des personnels et des familles qui avaient vécu plusieurs changements de direction en peu de temps. Les comparaisons avec mes prédécesseurs étaient inévitables et quelquefois assez agaçantes. Gagner leur confiance par le travail en concertation et la communication est un vrai challenge de tous les jours.
Dès ma prise de fonction, le problème de remplacement du CPE, en congé de longue maladie, a fragilisé l’équipe « vie scolaire ».
La première année, les absences de mon collègue principal adjoint, stagiaire, n’ont pas facilité la tâche, surtout au début, car il fallait connaître tous les dossiers dans les moindres détails. De plus, je me devais de l’accompagner dans sa formation, ce qui a été un réel plaisir mais pas toujours facile, surtout quand on débute soi-même dans de nouvelles fonctions.
Mes projets
Après ce premier poste de chef, formateur, motivant et enrichissant, je souhaiterais obtenir soit un poste de principale dans un établissement de catégorie supérieure, soit un poste de proviseur de LP ou de lycée.
J’aimerais également participer à la formation des personnels de direction pour partager mes expériences.
♦ Florence Fleury, Principale du collège G. Bonheur, Trèbes (académie de Montpellier)
Mon parcours
CPE de formation, j’ai passé le concours de personnel de direction en 2002 au terme d’une petite dizaine d’années passées en lycée technique et professionnel dans l’Eure. Le concours obtenu, je fus affectée dans un collège dit de centre ville, à Evreux, comptant 600 élèves. L’entente avec mon chef d’établissement, arrivé la même année, fut des plus cordiales. Basées sur une confiance réciproque, nos relations professionnelles m’ont permis d’apprendre le métier dans d’excellentes conditions. Les quatre années passées dans ce collège ne me laissent que de bons souvenirs de cette entrée dans la fonction, même si les deux années de stage furent lourdes à concilier avec le métier et la vie personnelle.
Pour des raisons familiales, j’ai demandé ma mutation pour l’académie de Montpellier. Afin d’optimiser mes chances de concrétiser mon souhait, j’ai élargi mes vœux à tous les postes d’adjoint de l’académie. Ma « prise de risque » a été récompensée par ma nomination sur poste d’adjointe à Carcassonne, dans un collège de plus de 800 élèves avec internat.
Assurer un intérim
Décidée à postuler à un poste de chef au terme des trois années « réglementaires », je participe au mouvement en 2009. Cependant, l’entrée en fonction à la tête d’un établissement arrive plus tôt que prévue. En janvier 2009, le principal d’un collège des environs de Carcassonne part à la retraite. J’accepte d’assurer l’intérim de janvier à juin. C’est un collège semi-rural des années 80, accueillant 480 élèves, avec une importante proportion d’élèves sans grande ambition, présentant des difficultés scolaires et sociales. Une équipe de 37 enseignants, plutôt stable, qui se renouvelle principalement au fil des départs en retraite. Il règne au sein du collège une ambiance familiale. Une adjointe, une gestionnaire et une CPE complètent l’encadrement.
Ma prise de fonction en tant que chef s’est donc effectuée en cours d’année, avec un trimestre de retard sur la rentrée scolaire ! Le défi est relevé ; je prends le train en marche, même si le contexte dans lequel j’arrive est un peu particulier. La passation entre l’ancien chef et moi s’effectue dans l’urgence. L’adjointe, en congé parental depuis octobre, est remplacée par un CPE faisant-fonction d’adjoint heureusement expérimenté pour l’année scolaire. La CPE en place est contractuelle mais assume très efficacement ses fonctions jusqu’en mai 2009. La secrétaire de direction est arrivée à la rentrée et ne connaît ni l’histoire du collège, ni le fonctionnement d’un EPLE, ni les habitudes de travail si personnelles de son prédécesseur resté de longues années à ce poste. Donc peu de repères pour prendre mes fonctions dans des conditions ordinaires.
Rechercher un adjoint
Quelques jours après mon arrivée, l’adjoint reçoit une très bonne nouvelle, qui ne le sera pas pour moi : il est muté sur un poste de CPE en Nouvelle Calédonie et part en Mars… L’IA accepte qu’il soit remplacé. Mais le vivier des « faisant-fonction » est épuisé. Je suis contrainte de chercher qui pourrait prendre le poste. Je me tourne vers les candidats au concours de personnel de direction en espérant trouver celui ou celle qui accepterait de faire un galop d’essai à la fonction d’adjoint. Je repère un professeur d’anglais qui vient de passer les écrits du concours ; par chance il est à Carcassonne et il accepte au pied levé de faire fonction à mes cotés de mars à juin 2009. La transition entre le statut d’enseignant et celui d’adjoint est brutale pour lui, d’autant qu’il débute avec les conseils de classe et une fin de 2ème trimestre surchargée et ne connaît que peu de choses sur le métier. Son sérieux, sa bonne volonté et son bon sens feront l’affaire. Du mieux que je peux, je lui fais découvrir tous les aspects du métier, l’initie aux logiciels de gestion d’emploi du temps, l’associe aux prises de décision.
Epilogue
Les résultats des mutations en avril 2009 me signifient mon maintien sur ce poste.
Mon arrivée tardive après le 1er trimestre se transforme en une belle avance sur mes collègues qui muteront en septembre !
Malgré une prise de fonction quelque peu inhabituelle et chaotique, je n’ai pas éprouvé d’importantes difficultés. Cependant, il m’a fallu apprendre beaucoup, très vite, appréhender les us et coutumes « maison » et éviter les inquiétudes générées par tous ces changements. Mon souci majeur était de m’inscrire dans une certaine continuité, de ne pas brusquer les personnels sans pour autant renoncer à d’éventuels changements pour l’avenir. Ce sont les questions financières qui m’ont le plus préoccupée. En tant qu’adjoint, ce n’est pas spécialement un champ d’action dans l’exercice de la fonction. Là aussi, il a fallu vite apprendre.
Les bons cotés
Même si, en tant qu’adjointe, je jouissais d’autonomie dans le travail et un véritable travail d’équipe avec les chefs d’établissement, j’apprécie cette autonomie devenue plus importante bien que, parfois, des instants de grande solitude ou de doute peuvent surgir. Piloter, animer, accompagner sont les actions qui m’enthousiasment. La diversité des tâches est aussi un aspect de la fonction qui me détourne de la routine. Les relations avec les partenaires extérieurs (collectivités territoriales, mairie, fédérations de parents…) sont enrichissantes.
Le travail en équipe est toujours fructueux, même si les points de vue peuvent diverger. La consultation et l’écoute nourrissent la réflexion personnelle et collective.
Les points négatifs
C’est une fonction bien plus chronophage que celle d’adjoint, à mon sens. Sans doute le poids des responsabilités y est pour quelque chose. Je rentre rarement à mon domicile sans quelques dossiers sous le bras, chose que je faisais rarement depuis mon statut de stagiaire. Souvent happée par l’urgence, mes journées sont bien remplies par la variété des tâches, des problèmes à régler, des solutions à trouver. De plus, on se doit d’être au courant de tout ou presque. Difficile donc de s’organiser de manière optimale, d’autant que je ne sais pas travailler avec la porte de mon bureau fermée ! J’ai à cœur de faire preuve de disponibilité envers les personnels ou les élèves. Les journées se déroulent donc rarement comme je les ai prévues.
Les sollicitations sont multiples et on attend du chef l’avis ou la prise de décision immédiatement. C’est une pression parfois importante à laquelle je résiste autant que possible, en différant certaines réponses ou décisions afin d’éviter les erreurs d’appréciation.
Par ailleurs, la part administrative est terriblement lourde. Elle freine le travail sur des projets, la réflexion pédagogique, le pilotage d’un EPLE.
La part d’autonomie de l’établissement est mince. Il est frustrant de ne pouvoir mettre en œuvre certains projets indispensables à la réussite des élèves.
L’avenir
Je n’ai pas de plan de carrière défini. Il me reste tant d’années à effectuer ! Cependant, mon expérience en lycée professionnel et technologique, lorsque j’étais CPE, me donne envie d’y retourner plus tard. Je me verrais très bien exercer dans un lycée des métiers.
Vision et pratique du socle commun
Interviews de 3 collègues et d’une IA-IPR sur leur vision et leur pratique du socle commun, par Lysiane Gervais et Corinne Laurent
♦ Le point de vue de 3 chefs d’établissement
– Christine Gibon-Alphand, Principale adjointe du collège Marie Curie , Paris 18ème (Education prioritaire)
– Philippe Verdier, principal du collège Jacques Prévert, Bourg sur Gironde, académie de Bordeaux
– Stéphane Ravache, Principal adjoint du collège Manon Cormier Bassens, académie de Bordeaux
La mise en œuvre
Direction : A quel moment la réflexion sur le socle commun a-t-elle été engagée ? L’année scolaire dernière ? avant les vacances ? au moment de la rentrée ?
Christine : La réflexion a été engagée en fin d’année scolaire 2009-2010, lors d’une journée de concertation (28 juin 2010). D’autres sujets étaient également à l’ordre du jour, ce 28 juin : histoire des arts, évaluation des actions du projet d’établissement.
Philippe : La réflexion a été engagée en 2008 par mon prédécesseur puis s’est déroulée pendant 3 ans, à travers l’accompagnement de Vincent Guédé et d’Anne Hirribarren du collège expérimental Clisthène de Bordeaux, dans le cadre d’une expérimentation article 34 sur l’évaluation par compétences sur l’ensemble du niveau 6ème. La réflexion a immédiatement dépassé le strict cadre du socle commun pour s’orienter sur l’évaluation formative par compétences de l’ensemble du programme. L’expérimentation touche aujourd’hui l’ensemble du niveau 6ème et l’ensemble du niveau 5ème. Stricto sensu, la mise en place du socle commun s‘est faite cette année autour de la définition des référentiels disciplinaires, d’abord dans l’établissement, puis sur la ZAP.
Stéphane : La réflexion sur le SCCC a été engagée à la rentrée 2010, à l’occasion du renouvellement complet de l’équipe de direction et en prévision du nouveau projet d’établissement.
Avec quelle méthode ? En réunion plénière ? En conseil pédagogique ? En équipes pluridisciplinaires ? Avez-vous banalisé des heures pour la mise en place du socle commun ?
Christine : Le 28/06/2010 : réunion plénière pour donner la consigne suivante : au regard des programmes officiels, cerner, dans le livret de compétences, ce que chaque discipline peut évaluer et prévoir des modes d’évaluation en 3ème au fil de l’année scolaire.
1ère semaine de janvier 2011 : conseils d’enseignements. Consignes : au regard du socle commun de connaissances et de compétences :
- Confirmer ou rectifier les compétences à évaluer par discipline prévues en juin 2010 ;
- Pour les mathématiques, le français et l’histoire-géographie-éducation civique, identifier des compétences du socle commun à évaluer au brevet blanc et élaborer les sujets ;
- Elaborer des propositions pour le conseil pédagogique du 10/01 répondant aux questions suivantes: comment, techniquement et pédagogiquement, évaluer cette année, dans de brefs délais, les élèves de 3ème ? Comment mettre en œuvre une évaluation de compétences progressive, en cours de scolarité, dans chaque discipline, depuis la 5ème jusqu’à la 3ème ?10 janvier 2011 : conseil pédagogique. Ordre du jour :
- Voir comment, techniquement et pédagogiquement, évaluer cette année les élèves de 3ème ;
- Voir comment mettre en œuvre une évaluation de compétence progressive, en cours de scolarité, dans chaque discipline, depuis la 6ème jusqu’à la 3ème.11 janvier 2011 : diffusion, par l’équipe de direction à l’ensemble des professeurs et CPE, d’un compte-rendu complet du conseil pédagogique du 10/01 avec réponses aux questions posées, décisions prises et échéances à venir.
Philippe : La méthode est multiple. Le conseil pédagogique est un espace de dialogue régulier sur les outils, la rationalisation et la faisabilité des dispositifs mis en œuvre. L’accompagnement des deux premières années s’est fait sous la forme de formations d’établissement pour l’ensemble des personnels concernés (4 journées en deux ans). Ensuite des demi-journées ont été banalisées (2) et la journée de solidarité est consacrée à la réunion en groupes de travail sur le projet d’établissement qui intègre évidemment la mise en œuvre du socle.
Stéphane : L’équipe de direction a reçu individuellement chaque enseignant ; ensuite un questionnaire leur a été proposé. Les réponses ont été confrontées aux données du collège (statistiques, orientation…) en assemblée plénière. L’enseignement par compétences est alors apparu comme un levier pour améliorer la réussite des élèves. Le conseil pédagogique a été mobilisé pour orienter la démarche. Une heure/quinzaine a été banalisée pour la concertation à la rentrée 2011 pour tous les enseignants.Sur quels niveaux avez-vous axé votre travail de mise en œuvre cette année ?
Christine :Nous avons axé notre travail sur tous les niveaux avec davantage de contraintes et des délais plus courts donnés pour la validation en classe de 3ème : fin du 2ème trimestre pour B2i et compétence 4 et début avril pour les 6 autres compétences.
Philippe : Nous sommes sur l’ensemble des niveaux.
Stéphane : A la rentrée 2011, toutes les 6ème bénéficient d’un enseignement par compétences, sans note. Les 3èmes sont expérimentales en prévision de la rentrée 2011.Quelle liaison avec le premier degré ? Qu’avez-vous envisagé pour les élèves de CM2 qui n’auront pas validé le pallier 2 ?
Christine : Les livrets de compétences nous ont été transmis par certaines écoles primaires. Rien n’est prévu actuellement dans notre établissement concernant l’acquisition de compétences du pallier 2.
Philippe : Nous avons eu plusieurs réunions de travail avec le premier degré et nous devrions utiliser le même logiciel d’évaluation par compétences. Pour ceux qui n’auraient pas validé le pallier 2, je ne vois qu’un dispositif de type PPRE.
Stéphane : La liaison se fait sur les compétences justement. Avec l’appui de l’IEN de secteur, les enseignants de CM2 et de 6ème travaillent à la mise en œuvre de compétences communes ; l’histoire des arts est également un levier de la liaison. La non validation du pallier 2 n’a pas encore fait l’objet d’un traitement spécifique, si ce n’est sa validation « naturelle » en 6ème.Les professeurs et le pilotage du dispositif
Y a-t-il eu une formation sur le socle commun à destination des enseignants ? Si oui, selon quelle modalité (rectorale, BEF, sur site…) ?
Christine : Oui, tous les professeurs ont été réunis par les IA-IPR de leur discipline. De plus, un IA-IPR de lettres est intervenu dans notre collège, à la demande du chef d’établissement, pendant le conseil d’enseignement de début janvier. Une réunion de bassin a eu lieu également, animée par des IA-IPR où étaient conviés les chefs d’établissement, ainsi que quelques professeurs désignés dans chaque établissement.
Philippe : Oui, sur site d’abord puis pour l’ensemble de la ZAP (interventions d’IPR et d’IEN).
Stéphane : Nous avons privilégié la formation par les pairs en permettant à nos enseignants d’aller assister à des enseignements, d’autres professeurs expérimentant déjà les compétences. Nous avons également sollicité les IA-IPR sur cette thématique.Des réunions de concertation sont-elles mises en place ? à quel rythme ? animées par qui ? pour quoi faire ?
Christine : Des « conseils de socle » sont prévus pour les classes de 3ème mi- avril. Ils réuniront les membres d’une même équipe pédagogique sous la présidence de l’équipe de direction. Seront étudiés alors les cas des élèves en difficulté qui n’ont pas acquis toutes les compétences. A partir de ces constats, pour certains items, lorsque cela s’avèrera possible, seront mises en place des séances de remédiation. Pour les autres niveaux, ces conseils auront lieu au mois de mai.
Philippe : La mise en œuvre est d’abord très chronophage. C’est pour cela qu’un accompagnement et une concertation sont indispensables. Il y a des évolutions nécessaires à la faisabilité, des rationalisations à construire si on veut installer l’expérimentation dans le temps et y inscrire ceux qui arrivent et n’ont pas participé au début.
Stéphane : L’heure de concertation est bimensuelle pour tous les enseignants. Soit il s’agit de réunions plénières, soit de groupes de travail, soit c’est par discipline. Il s’agit de coordonner les pratiques ou les évaluations entre enseignants.Est-il prévu des évaluations intermédiaires en cours d’année? Selon quelles modalités ?
Philippe : Oui, de fait sur les niveaux 6ème et 5ème. En 4ème en fin d’année afin de mettre en place un dispositif de remédiation pour ceux qui risqueraient de ne pas atteindre le socle (reformulation d’un dispositif « anti-décrochage »).
Stéphane : Les évaluations intermédiaires du dispositif sont faites avec l’appui de la direction de la pédagogie du rectorat de Bordeaux. Nous sollicitons aussi les IA-IPR. Enfin, la mise en place d’un groupe de travail sur le bassin est également un mode d’auto-évaluation.Comment va s’effectuer la validation finale ?
Christine : Pour les 3èmes, probablement début juin, avant le conseil de classe.
Philippe : En conseil de classe, en fin de 4ème et en 3ème. Ensuite sur LPC qui est l’instrument de validation institutionnelle et qui se limite à « Acquis » et « Non acquis ». Dans le cadre du travail sur l’évaluation formative, nous avons quatre niveaux « Acquis », « Presque acquis », « En voie d’acquisition » et « Non acquis ».
Stéphane : Le logiciel Sacoche permet aux professeurs de valider des compétences toute l’année. La certification se fera en fin de 3ème permettant aux élèves d’atteindre le niveau attendu, voire supérieur, en langue par exemple (et pas seulement le A2).Quelle est l’implication des enseignants (dans la préparation et dans l’application) ?
Christine : Au collège Marie Curie, bien qu’émettant des réserves sur le bien-fondé de l’instauration du socle, les enseignants prennent au sérieux ce dispositif et posent de nombreuses et pertinentes questions. Les professeurs de français, mathématiques, HG, à l’occasion du 1er brevet blanc en janvier, ont prévu des items à évaluer. Tous se sentent démunis cependant par rapport la mise en pratique de la remédiation individualisée en cas d’items non validés. Ils disent que cette question n’a jamais été abordée lors des réunions avec les IA-IPR.
Philippe : Ils sont totalement acteurs. Cette année est la première année de validation. On va tester avec les professeurs principaux. Ensuite, on évaluera et on mettra le sujet à l’ordre du jour d’un conseil pédagogique.
Stéphane : La très grande majorité des enseignants sont impliqués : ils ont bâti de manière autonome des grilles didactiques de compétences reliées au SCCC. La mutualisation des pratiques, la concertation, l’écoute attentive de l’équipe de direction et des corps d’inspection et la qualité des enseignants y sont pour beaucoup.Quelle a été ou est la demande des enseignants ?
Christine : Ce sont plutôt des questions d’ordre technique, soulevées en conseil pédagogique par les professeurs:
– Le B2i est-il équivalent à la compétence 4 ? Si oui, faut-il, comme auparavant, que 80 % des items le composant soient acquis pour valider la compétence 4 ?
– Doit-on, pour les autres compétences, considérer également que 80 % des items soient acquis pour valider ?
– Va-t-on mettre en place le logiciel Sacoche dans notre collège ?
– Quels moyens se donne-t-on au sein de l’établissement pour mettre en place des dispositifs de remédiation avant la validation finale?
– Quand et comment informe-t-on les élèves, les familles concernant le socle et la validation progressive des items ?
– La COP va-t-elle être associée à la validation de la compétence 7 ?
Philippe : Eviter la chronophagie. Construire un système efficace et rationnel. Le collège est dans une culture du dialogue. Cela facilite les évolutions.
Stéphane : Du temps pour se concerter, pour évaluer leur pratiques ou les mettre en commun, des outils pour la remédiation : quand et comment remédier à une compétence non acquise : pédagogie différenciée vs pédagogie du soutien ?Communication vers les élèves et les familles
Comment avez-vous fait l’information aux élèves ? Aux familles ?
Christine : L’équipe de direction va intervenir prochainement dans les classes de 3ème, en appui au professeur principal, pour présenter le socle aux élèves. Les familles seront informées lors de la prochaine réunion sur l’orientation.
Philippe : L’information est faite dès les visites des personnels de direction dans les classes de CM2, en avril-mai. A la rentrée, l’information est faite par une réunion des parents de 6ème avec les professeurs principaux. En 3ème, cette année, un courrier explicatif est distribué aux familles.
Stéphane : L’année précédente, l’équipe de direction, accompagnée d’un enseignant, s’est rendue dans toutes les écoles du secteur pour informer les parents et les futurs 6èmes du dispositif. A la rentrée, nous avons réuni les familles de 6ème et de 3ème pour présenter le projet. Les grilles de compétences ont été adressées à toutes les familles des 6èmes et sont consultables sur Sacoche.Avez-vous utilisé le diaporama ministériel ?
Christine : Non.
Philippe : Non.
Stéphane : Non car nous étions déjà trop avancés.Avez-vous mis en place un outil spécifique de communication avec les familles ?
Christine : Non.
Philippe : Nous travaillons à l’utilisation du site internet et de l’ENT Argos.
Stéphane : Les degrés d’acquisition des compétences des élèves sont accessibles à tout moment dans l’icone « Sacoche » du site web de l’établissement. Aux réunions parents-professeurs, les enseignants remettent une synthèse des appréciations et un bilan des compétences au lieu du traditionnel bulletin.L’outil informatique
Avez-vous testé LPC dans Sconet ? Qu’en pensez-vous ?
Christine : Il a été visualisé par l’équipe de direction mais pas réellement testé. Cette application semble accessible.
Philippe : C’est un outil de validation que nous n’utilisons que pour la validation.
Stéphane : Pas encore. Nous attendrons les certifications dans Sacoche que nous transfèrerons. Le seul regret, c’est que LPC n’accepte pas, a priori, d’import de fichiers.Quelles délégations avez-vous prévues ? A qui ?
Christine : Des délégations ont été attribuées aux coordonnateurs de discipline et professeurs principaux de 3ème dans un premier temps.
Philippe : PP / CPE / équipe de direction. Ceci dit, la question reste ouverte. Par exemple, les enseignants impliqués dans le dispositif anti-décrochage (dit « le socle pour tous ») peuvent tout a fait être intégrés aux délégations.
Stéphane : Aucune pour le moment, si on peut importer Sacoche dans LPC, nous n’aurons pas à en faire. Sinon on devrait certifier globalement à partir des certifications faites par les enseignants dans Sacoche.Avez-vous choisi d’utiliser un logiciel supplémentaire à LPC (pronote, oasis etc…) ? Si oui, pourquoi ?
Christine : Cette question est encore en débat dans l’établissement. Certains professeurs souhaiteraient adopter Sacoche ; d’autres trouvent qu’il est trop contraignant (évaluation de chaque item trop fastidieuse).
Philippe : Nous utilisons le logiciel Sacoche qui permet de travailler l’évaluation par compétences de façon formative et d’aller vers une plus grande différenciation pédagogique et une personnalisation des parcours. LPC est certificatif et ne permet pas de changer les pratiques.
Stéphane : Hormis Sacoche, pas d’autres logiciels.Pour conclure. Quelles sont ou ont été les contraintes majeures, les freins à la mise en œuvre du socle ?
Christine : Le partage des items, domaines et compétences n’a pas été le problème majeur au collège Marie Curie, où les professeurs sont pour la plupart dynamiques et ouverts. En revanche, le manque de formation des professeurs sur les points suivants constitue un vrai obstacle : les méthodes pédagogiques autres que le cours magistral, la pédagogie différenciée, la mise en œuvre de remédiations auprès des élèves.
Philippe : Sans accompagnement ni formation, les freins sont décuplés. La hausse des effectifs dans les classes n’aide pas à la mise en œuvre d’une personnalisation croissante des parcours et à la différenciation pédagogique que l’évaluation par compétences permet et infère. La démarche est chronophage. Elle demande du travail d’équipe, disciplinaire et interdisciplinaire. De plus, la période, avec ses restrictions budgétaires, n’aide vraiment pas à ce qui équivaut, tout de même, à une sacrée transformation et donc à une véritable mobilisation.
Stéphane : Une partie des enseignants ne souhaite pas changer leurs pratiques, attachés à tout prix aux notes et lassés peut-être par les nouvelles réformes trop fréquentes et peu suivies. Une autonomie réelle et renforcée doit être facilitée pour les EPLE pour affecter les moyens à une pédagogie différenciée, à une remédiation adaptée. Enfin, il est nécessaire de lever l’ambigüité entre un enseignement par compétences et un DNB évalué par note. Il reste aussi à s’assurer de l’usage du palier 3 en lycée. À quand un palier 4, équivalent du bac, pour assurer la continuité du SCCC ?Quelles sont, selon vous, les conséquences positives de la mise en œuvre du socle commun ?
Christine : La mise en œuvre du socle permet aux personnels de direction d’aborder, avec les professeurs et CPE, un dialogue et une réflexion pédagogiques approfondis. Il faudra voir sur le long terme si ce type d’évaluation sensée être formative peut parvenir à motiver les élèves.
Philippe : Les conséquences positives de l’expérimentation sont d’abord un changement de regard sur l’élève et une évolution des pratiques, une réflexion plus approfondie sur les fameuses compétences transversales, l’apprendre à apprendre, ce qui relie exigences de comportement et enjeux d’apprentissage. Pour moi, c’est un des enjeux
Stéphane : Un travail en équipes disciplinaires, pluridisciplinaires, une évaluation formative pour les élèves qui leur donnent toujours la possibilité de progresser, une possibilité de certification plus élevée que celle attendue pour les meilleurs élèves (rien n’empêche de valider plus loin), un outil de pilotage partagé avec les IEN et IA-IPR, une vraie liaison école-collège-lycée basée sur les élèves et pas seulement sur les projets portés par les enseignants, une valorisation du collège située dans une zone sensible.
♦ Le point de vue de Véronique Boulhol, IA-IPR de Lettres, Académie de Versailles
De manière générale, si la réflexion était engagée en amont en académie, on peut dire que c’est l’élaboration des premiers outils de travail d’aide à la mise en œuvre qui signe le passage d’une interrogation collective à un début d’appropriation, c’est-à-dire au premier trimestre 2007. A cette fin, un GTI « Socle commun et évaluation des compétences » a été créé (un GTI est, dans mon académie, une structure de travail et de pilotage académique, « groupe de travail et impulsion », qui réunit des inspecteurs, des chefs d’établissements, des professeurs sur chacune des priorités nationales) ; il y a ainsi un GTI « Impulsion et accompagnement de la politique culturelle », un GTI « formation des maîtres », etc.).
Les outils
Les travaux du groupe de travail, toujours très actif à ce jour, ont donné lieu à l’élaboration d’un outil, le « damier », en ligne sur le site de l’académie, qui croise compétences et disciplines avec des exemples de mise en œuvre.
En janvier 2009 a également été mis en ligne un diaporama pour aider à l’appropriation du Socle, ainsi qu’un second en septembre 2010, articulé avec les LPC.
D’autres outils sont élaborés au fur et à mesure de la réflexion commune menée de manière inter-catégorielle dans le GTI et mis à disposition de l’ensemble des acteurs sur le site :
– une plaquette qui présente des pistes de logiques d’action et des définitions de termes afin de clarifier et harmoniser les échanges en établissement
– un mémento à destination des chefs d’établissement.
Les formations
Les actions d’information et de formation en direction des enseignants ont pris un rythme plus soutenu depuis la rentrée 2009 afin de favoriser la mise en œuvre sur le terrain. Les bassins ont été sollicités pour organiser des réunions de travail avec les principaux et des enseignants de leurs équipes, dans lesquels les inspecteurs, notamment (mais pas seulement) correspondants de bassins, ont accompagné la réflexion, par exemple, sur un bassin que j’ai suivi d’un groupe de pilotage spécifique – inspecteurs correspondants, animateurs de bassins, groupe interdisciplinaires de professeurs.
A la rentrée 2010, un séminaire académique sur le socle commun et les enjeux de son évaluation, et le LPC, a été organisé afin de mutualiser les pratiques ; il a été décliné en séminaires départementaux inter-catégoriels et inter-degrés.
On peut noter que, parallèlement, l’enseignement de l’histoire des arts et de son entrée dans l’évaluation, dans le cadre du brevet, a fourni une entrée dynamique depuis 2009 à la réflexion sur le socle commun : la question de l’évaluation des compétences, les modalités de passation des candidats, qui nécessitent une organisation spécifique, la mutualisation des apprentissages et de leur évaluation que ce nouvel enseignement induit ont suscité des questions dont la réponse est transférable plus largement à l’ensemble des questions sur l’apprentissage des compétences et l’articulation entre disciplines et « piliers » du socle. Ainsi, les stages de formation des enseignants (PAF), dont l’HDA est l’entrée, proposent et développent des ateliers sur l’évaluation des compétences, notamment en lien avec les TICE, mais aussi la culture humaniste.
La demande des enseignants est très forte en terme de formation, à la fois sur les compétences elles-mêmes, leur nature, leurs articulations avec les disciplines dans le cadre de la classe, leur apprentissage, et leur évaluation, le degré d’acquisition, la lisibilité aussi de la restitution en regard de l’évaluation terminale et la notation.
Le socle fait son chemin
Si tout est loin d’être en place encore, notamment dans les esprits des enseignants et donc dans leur pratique, le socle semble faire, au quotidien, son chemin et de plus en plus d’enseignants présentent des projets et préparations qui mentionnent les compétences travaillées et les modalités de leur évaluation. La grande difficulté, ou plutôt l’écueil auquel il conviendrait, à mon sens, aujourd’hui, d’être vigilant, réside dans le glissement d’un moyen à un contenu directement enseignable.
Il reste que le gain majeur de la mise en œuvre du socle commun pour l’évolution des pratiques enseignantes dans les établissements est la conscience chez les professeurs de la nécessité du travail en équipes, notamment interdisciplinaires, au-delà de la nécessité d’ailleurs, l’intérêt du partage de la réflexion qu’il présuppose et l’enrichissement de l’enseignement de chacun.
Une classe de 6ème sans notes / Direction 195 – Février 2012 – pp. 24/25
♦ Philippe Gante, principal adjoint Collège Hélène de Fonsèque Surgères, académie de Poitiers
Lundi 14 novembre 2011, une équipe de France 2 est venue réaliser un reportage sur notre classe sans notes pour une diffusion au JT de 20h le 17 novembre.
Ce documentaire met en exergue un travail mené depuis plusieurs années au sein du collège sur l’évaluation par compétences et donc l’abandon partiel des notes.
Le collège Hélène de Fonsèque n’est pas le seul à s’être emparé de cette problématique au sein du département. Une dizaine de collèges est actuellement engagée dans cette réflexion à des niveaux variables de mise en œuvre.
L’inspection académique de Charente-Maritime favorise activement cette réflexion en organisant des rencontres de mutualisation et de réflexion sur, entre autres, cette thématique.
Associé au lycée professionnel du Pays d’Aunis au sein d’une cité scolaire, le collège compte six-cent-trente élèves répartis en vingt-six divisions dont quatre en SEGPA, sans oublier les dix élèves de l’ULIS.
À l’entrée en 6ème, en 2011, un élève sur deux est issu d’un PCS défavorisé, cet indicateur étant à rapprocher du contexte socio-économique difficile de la ville.
Origine du projet et organisation interne
À mon arrivée sur ce poste en septembre 2010, je découvre ce projet, initié en 2007 par un professeur d’histoire-géographie. Ce dispositif a mûri tout au long de ces dernières années. Il est une des actions majeures au sein du projet d’établissement 2008-2012 et plus particulièrement au sein du contrat d’objectifs.
Ce professeur, entouré d’une équipe de collègues volontaires, est parti des constats suivants :
– Les élèves de 6ème ont besoin d’une aide plus importante afin de combler, pour certains, le manque des familles.
– Beaucoup ne comprennent pas leurs erreurs.
– De nombreux élèves « décrochent » de plus en plus précocement.
– Rupture dans les modalités d’évaluation entre primaire et secondaire.
– Envie de développer un véritable travail d’équipe de façon à apporter plus de cohérence dans les pratiques pédagogiques et à mettre davantage les élèves en réussite.
Afin d’éviter l’effet « classe à profil », la classe sans notes (6ème E depuis le début) est tirée au sort une fois les divisions de 6ème composées. Les professeurs volontaires y sont ensuite affectés.
Une information est faite aux parents dès la première rencontre parents-professeurs qui a lieu dans la semaine de la rentrée des classes pour toutes les classes de 6ème (sept en tout avec la SEGPA).
Les parents ne sont pas surpris par l’existence de cette classe « expérimentale » connue car elle est présentée chaque année depuis sa création lors de la journée« portes ouvertes » de la cité scolaire.
Les tenants et aboutissants étant ainsi expliqués, connus et reconnus, on ne constate pas de réticences majeures de la part des parents ni des élèves.
Aspects pédagogiques qui régissent la classe sans notes
Comme toutes les autres 6èmes, la 6ème E bénéficie actuellement d’un dédoublement d’heures en français, mathématiques et anglais.
Dans le cadre de l’expérimentation, cette classe s’est vue accorder trois heures d’ATP (aide au travail personnel) supplémentaires. En effet, l’évaluation par compétences est indissociable de la notion de « remédiation ».
La spécificité de la classe réside donc dans l’évaluation par compétences et l’abandon des notes (avec un système mixte au troisième trimestre), les trois heures de remédiation et un projet de classe transversale auquel participe l’ensemble des professeurs de l’équipe.
Afin de mener ce projet au mieux, cette classe, considérée au sein de l’académie comme expérimentale, a bénéficié à ses débuts d’un accompagnement par l’équipe académique chargée des expérimentations pédagogiques.
De plus, en tant qu’une des principales actions du contrat d’objectifs, elle a également bénéficié d’un quota d’heures au sein de la DGH pour l’exercice du projet d’établissement 2008-2012.
Expérimentale à ses débuts, cette classe est aujourd’hui davantage considérée comme pilote au sein du collège.
Les professeurs engagés dans le dispositif ont évolué dans leurs pratiques. Même, dans leurs autres classes, ils évaluent par compétences tout en continuant à utiliser la notation chiffrée qui reste la référence actuelle.
Ce dispositif a contribué auprès de tous les professeurs du collège à l’évolution des mentalités et des pratiques dans la prise en compte et la mise en œuvre de l’évaluation par compétences dans de nombreuses disciplines.
Il a donc fortement contribué à la mise en place du LPC (livret personnel de compétences) au sein de l’établissement.
Bilan et difficultés rencontrées
À ce jour, le bilan est donc globalement positif. L’engagement de nombreux professeurs, la concertation, le rayonnement sur le reste de l’équipe pédagogique participent activement à l’évolution des pratiques au sein du collège et représentent autant de leviers sur lesquels s’appuyer pour un futur élargissement du dispositif.
Néanmoins, dans l’optique d’une généralisation à toutes les classes de 6ème, il est nécessaire de pointer les difficultés rencontrées.
La première réside dans la mise en œuvre de la remédiation. Actuellement, celle-ci est assurée au sein des trois heures d’ATP hebdomadaires prévues dès le début et reconduites chaque année. Il est évident que l’organisation de la remédiation, sous la forme actuelle, ne pourrait être généralisée à l’ensemble des classes de 6ème.
De plus, la nécessaire concertation induite par la remédiation des difficultés des élèves se révèle particulièrement chronophage.
Et même si, actuellement, les professeurs impliqués ne sont pas particulièrement regardant sur leurs heures, il faut absolument prendre en compte cet aspect du travail supplémentaire dans l’optique de l’élargissement et de la pérennité du dispositif, même dans le contexte contraint que nous connaissons.
Par ailleurs, comme le souligne Isabelle Bourhis dans son article paru dans Direction (n° 193,décembre 2011, p. 29)dont je me permets de citer un passage :« Les équipes pédagogiques ont besoin de disposer d’outils d’évaluation pour leur permettre d’identifier, d’anticiper et de remédier aux difficultés des élèves. Notons d’ailleurs que les superpositions de logiques d’évaluation différentes à l’œuvre au collège ne favorisent pas l’appropriation d’une évaluation par compétence des élèves ».
Ces quelques lignes mettent en exergue, outre la difficulté à gérer deux types d’évaluation, l’importance des « outils ».
L’équipe pédagogique de la 6ème E a su se doter, au fil des années, d’outils performants pour évaluer les élèves comme pour communiquer les résultats aux familles sous la forme d’un bulletin trimestriel lisible par tous.
La pertinence des outils actuels est due à l’engagement de tous dans un long et fastidieux travail de recherche, d’élaboration, d’essais de logiciels. Je salue tout particulièrement le rôle primordial d’un professeur de la SEGPA, féru d’informatique, dans la mise au point du bulletin trimestriel employé actuellement.
Néanmoins, un tel dispositif peut-il ne reposer que sur l’engagement de certains, voire sur les compétences techniques d’une seule personne ?
Claude Chantal, proviseure de la cité scolaire et moi-même soutenons et encourageons activement les professeurs engagés dans le dispositif.
Le challenge consiste maintenant à élargir ce dispositif à tout le niveau 6ème dans le cadre du projet d’établissement 2012-2016.
Pour cela, nous pouvons compter sur une équipe motivée et un contexte académique favorable. Néanmoins, seules des réponses adaptées et consensuelles aux questions posées précédemment nous permettront d’engager le collège de façon pérenne sur la remise en question de la seule pratique de la notation chiffrée par la généralisation de l’évaluation des compétences.