« With great power comes great responsibility »

Les personnels de direction ont maintenant pris connaissance du protocole sanitaire à mettre en place avant la réouverture éventuelle des collèges et des lycées. 

Nombre d’entre eux s’interrogent sur leurs responsabilités, et sur les risques encourus dans ce domaine, en cas de plainte d’un personnel ou d’un parent d’élève. Tous connaissent en effet le Code de l’éducation, qui nous désigne “responsables de la sécurité des personnes et des biens”…  

« With great power comes great responsibility ». Si les fans de Spiderman connaissent la maxime, tous les personnels de direction ne se sentent pas une âme de super héros, et souhaitent des éclaircissements sur l’étendue de cette fameuse, et parfois fumeuse “responsabilité” en ce moment très particulier.

En temps ordinaire, la responsabilité civile est couverte par la loi de 1937 qui lui substitue celle de l’Etat :

« Dans tous les cas où la responsabilité des membres de l’enseignement public se trouve engagée à la suite ou à l’occasion d’un fait dommageable commis, soit par les élèves ou les étudiants qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions, soit au détriment de ces élèves ou de ces étudiants dans les mêmes conditions, la responsabilité de l’État est substituée à celle desdits membres de l’enseignement qui ne peuvent jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime et ses représentants. […]« 

La responsabilité pénale – en tant que décideur public – l’est par la loi de 2000 dite loi Fauchon, qui suppose pour être engagée, un cumul de fautes volontaires…

Le délit n’est constitué que s’il y a eu “violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité”. Il ne peut dès lors y avoir de condamnation que s’il y a “une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer”. 

Le vote de la loi Fauchon résultait en partie du “syndrome du panneau de basket”, du nom de l’affaire jugée en appel en janvier 1996, suite à la plainte des parents d’un lycéen tué par la chute d’un panneau de basket le 5 décembre 1991 : un aménagement du Code pénal qui redéfinit la notion de faute. « La personne qui n’aura causé un dommage que de façon indirecte ne sera pénalement responsable que si elle a commis une faute grave ». 

La protection de nos collègues fait partie de l’ADN du SNPDEN, qui a organisé en novembre 1994 la première manifestation de l’histoire de notre profession, mobilisant à Paris plus du tiers de la profession. Et nous restons toujours particulièrement vigilants sur ces questions, ce qui nous amène à nous interroger sur les débats en cours au Sénat autour de plusieurs amendements visant à renforcer la protection juridique des maires au moment de l’ouverture des établissements scolaires. La plupart de ces amendements ont été jugés inutiles, et repoussés, mais l’un d’entre eux a quand même été validé (dépêche AEF info du 5 mai 2020) et vise à rendre plus précis le régime de responsabilité des élus locaux, fonctionnaires ou chefs d’entreprise pour leurs décisions prises pendant l’état d’urgence sanitaire, dans la perspective du déconfinement. 

Après le protocole sanitaire, nous aurions tous bien besoin d’être rassurés sur cette question, et dans le doute, de suivre le conseil de Marcel Peytavi, secrétaire général du SNPDEN en 1994 : « Notre seul pouvoir, c’est celui de fermer les équipements dangereux. Nous avons la responsabilité et le devoir de le faire à chaque fois que c’est nécessaire ».

Votre syndicat sera là pour vous aider, si nécessaire, à résister à toute pression hiérarchique. Dans ce domaine, le seul responsable, c’est VOUS ! Si vous n’avez pas les moyens d’ouvrir, ou les conditions nécessaires pour accueillir les élèves, vous faites le constat de l’impossibilité d’ouvrir ou de la nécessité de fermer, en prenant la précaution néanmoins de garder trace de vos efforts pour tenter d’ouvrir !

L’affaire du panneau de basket : un peu d’histoire pour l’édification des plus jeunes de nos collègues

Cour d’appel, PARIS, Chambre 20 section B

12 Janvier 1996, N° 95-210, Numéro JurisData : 1996-020061

Résumé

Commet une faute de négligence justifiant sa condamnation du chef d’homicide involontaire, l’intendant d’un lycée, chargé de la maintenance des matériels, qui, sachant qu’un portique de basket s’était effondré et que l’ensemble des portiques se trouvait dans un état similaire de délabrement, n’a pas fait procéder à une vérification technique appropriée de l’ensemble des installations. Cette grave faute de négligence a, en effet, un lien direct avec la mort d’un élève provoquée par l’effondrement d’un autre portique qui n’avait rien d’imprévisible, ni même d’insurmontable, puisque la personne subalterne chargée par le prévenu, après le premier incident, de vérifier l’état des installations lui avait indiqué que les poteaux n’étaient pas réparables du fait de leur corrosion.

En revanche, il y a lieu de relaxer le proviseur de ce lycée dès lors que si, en vertu de l’article 8 paragraphe 2 du décret du 30 août 1985 (Art. R 421-10 du Code de l’éducation), il incombe au chef d’établissement de prendre toutes les dispositions pour assumer la sécurité des personnes et des biens, cette responsabilité générale ne peut cependant entraîner une déclaration de culpabilité pénale que si une faute personnelle de négligence a été commise. Tel n’est pas le cas en l’espèce puisque l’intéressé n’avait pas été informé de la chute antérieure d’un portique et qu’il ne pouvait, en conséquence, prendre aucune décision faute d’avoir été avisé d’un danger imminent.

Après la condamnation en première instance de notre collègue et du gestionnaire, pour la première « manif » de son histoire, le SNPDEN a mobilisé en novembre 1994 près de 5.000 collègues – sur les 13.500 chefs d’établissement qui exerçaient en France – qui ont défilé dans les rues de Paris pour dénoncer la récente condamnation, par les tribunaux correctionnels, de deux proviseurs, en Seine-Saint-Denis et en Isère, à la suite d’accidents survenus sur des machines ou des équipements vétustes ou non conformes.