Choix de spécialité du nouveau bac et milieu social

En écho à l’actualité de l’Hebdo du 13 janvier qui portait sur la répartition « genrée » des lycéens dans les nouvelles spécialités de terminale, l’agence AEF Info a étudié dans une nouvelle dépêche la manière dont s’effectue la répartition de cette première promotion de terminale générale post-réforme eu égard à leur « milieu social et culturel ».

Il ressort de cette analyse une surreprésentation des élèves d’origine « très favorisée » dans les doublettes scientifiques pures et une surreprésentation des élèves d’origine « défavorisée » dans les doublettes à dominante littéraire.


Surreprésentation des élèves d’origine très favorisée en « Sciences dures »

Alors qu’à la rentrée 2020, 39 % des élèves de terminale générale sont d’origine très favorisée*, ces derniers sont surreprésentés dans certaines spécialités et doublettes.

En particulier, dans les deux spécialités les plus choisies, mathématiques et physique-chimie, la part d’élèves d’origine très favorisée est respectivement de 46 et 45 %, pour 17 et 18 % d’élèves d’origine défavorisée*.

Cette part grimpe à 52 % dans la doublette la plus choisie, « mathématiques et physique-chimie », contre 14 % d’élèves d’origine défavorisée.

La doublette « HGGSP et mathématiques » concentre elle 55,1 % des élèves d’origine très favorisée contre 13,6 % d’origine défavorisée.

En mathématiques-SES, les profils très favorisés pèsent pour 44 % contre 19,2% pour les élèves d’origine défavorisée.

Ainsi, dans les doublettes mixtes, les CSP très favorisées sont largement surreprésentées dès lors que les mathématiques font partie du duo de spécialité.

Une tendance inverse en lettres et SHS

Selon les données exploitées par AEF Info (Cf. note d’info DEPP n° 20.38), les élèves défavorisés semblent quant à eux systématiquement préférer des duos de spécialités plus littéraires.

Alors qu’ils représentent 21 % des élèves de terminale cette année, ces lycéens pèsent pour 29 % en humanités-littérature-philosophie (HLP) – SES, et pour 28 % en HLP – Langues, littératures, cultures étrangères et régionales (LLCER).

Comparés à leur poids dans l’ensemble des effectifs, ils sont aussi en surreprésentation en HGGSP – HLP où ils atteignent 26 % des effectifs de la doublette, quand les 3 autres duos de spécialité de SHS « pures » les voient surreprésentés dans des proportions allant de 1 à 4 points de plus.

Par ailleurs, les élèves défavorisés sont en surreprésentation dans les principales doublettes mixtes hors mathématiques (28 % des effectifs en SVT – SES, 24 % en HGGSP – SVT)…

Pour AEF Info, ce choix plus orienté vers les sciences dures (en particulier mathématiques), des élèves des catégories les plus favorisées semblerait traduire « une certaine reconstitution de « voies royales » vers des enseignements d’excellence où les enfants de CSP très favorisées sont habituellement nombreux ».

Interrogé sur le sujet, Philippe Vincent juge que « la prépondérance des élèves très favorisés en sciences dures », est due à « une meilleure maîtrise des codes et outils de choix d’orientation ». Les matières scientifiques, et en particulier les mathématiques, jouissant en effet, d’une image de discipline élitiste.

Un constat partagé par Pierre Mathiot, qui relève lui aussi que « les mathématiques étant considérées comme une matière d’élite, les élèves les plus modestes ont tendance à se censurer et à ne pas les choisir », estimant que ce n’était pas pour eux, car trop difficile ; il juge d’ailleurs nécessaire de « remettre en question ce positionnement des mathématiques ».

Différence des choix de spécialité entre public/privé

Ces écarts sociaux relevés dans les choix de spécialités semblent, selon AEF Info, encore plus se creuser en fonction du caractère privé ou public des établissements ; les élèves scolarisés dans le privé semblant se tourner davantage que ceux du public vers les sciences dures et les SES.

« Ainsi, au sein de la promotion 2020-2021 de terminale générale, parmi les 23 % de lycéens à être scolarisés dans un établissement privé, 45 % ont choisi mathématiques parmi leurs duos de spécialités, contre 40 % en lycées publics ». « Une différence de 6,7 points est même à noter pour la physique-chimie, spécialité où l’on observe le plus grand écart entre les deux types d’établissements », ajoute AEF Info.

Pour Philippe Vincent, les écarts constatés entre public/privé « ne sont pas anodins » ; il y voit l’illustration d’un choix « utilitaire » opéré par les familles très favorisées en termes de projet professionnel pour leurs enfants.

Pour en savoir plus 

  • Dépêche AEF 642010 du 15 janvier 2021 : « Nouveau bac : de quel milieu social viennent les lycéens selon leur spécialité ? »
    • Pour lire l’intégralité de cette dépêche (réservée aux abonnés à AEF Info), vous pouvez faire une demande de période d’essai gratuite auprès de l’agence.

* La catégorie « très favorisée » renvoie aux enfants dont les parents sont chefs d’entreprise de 10 salariés ou plus, cadres, ou issus de professions intellectuelles supérieures, instituteurs, professeurs des écoles. La catégorie des élèves « défavorisés » regroupe les enfants d’ouvriers, retraités ouvriers et employés ou inactifs (AEF Info).