Censure : censée nous inquiéter ? [05.12.2024]

Publié le par François RESNAIS − Mis à jour le

Un moment historique

Depuis plusieurs années, nous assistons à l’usage répété d’un « 49-3 » devenu un levier régulier de la mise en œuvre des politiques gouvernementales, donnant lieu à plusieurs motions de censure par les formations politiques d’opposition. Elles n’ont débouché sur une effective censure, sous la Vème République, qu’en octobre 1962 et… hier soir !
Le gouvernement de Michel BARNIER est donc amené à disparaître, 3 petits mois après sa difficile mise en place.

L’instabilité installée au cœur de l’École

Malheureusement, nous nous sommes habitués à l’instabilité. Avec 6 ministres de l’Éducation nationale différents en 2 ans et demi, les orientations des politiques éducatives sont devenues bien difficiles à comprendre, les interlocuteurs du Ministère ont joué avec les organisations syndicales des stratégies complexes à décoder et fréquemment soumises à des influences situées en dehors des enjeux de l’École.

Les personnels de direction le disent : notre quotidien s’éloigne du sens que nous voulons mettre dans nos missions, les conditions d’exercice du métier sont devenues insupportables à bien des égards. Le SNPDEN porte ces revendications auprès de chaque cabinet fugacement constitué. Cette profonde instabilité, ce manque de cap et de vision ancrée dans le réel des établissements scolaires et des besoins des élèves, ce pilotage morcelé et soumis aux échéances politiques, tous ces éléments insécurisent la profession et fragilisent durablement notre précieuse institution.

Quelles perspectives pour le monde éducatif ?

Eh bien, nous allons donc attendre un ou une Premier·e ministre, un ou une nouveau·elle ministre de l’Éducation nationale !
Dans un contexte de tension budgétaire sans équivalent, l’indétermination d’un budget pour l’année 2025 ne peut que nous préoccuper. Ce sont les moyens de l’École qui nous inquiètent ! Notre organisation s’inquiète très fortement des incertitudes budgétaires pour l’exercice 2025, notamment en matière de fonctionnement des établissements. Une insuffisance des moyens compromettrait la préparation de la rentrée scolaire, menaçant ainsi la qualité de l’enseignement et la sérénité des équipes. Les dépenses incompressibles (énergie, maintenance, fournitures pédagogiques, achats alimentaires) ne cessent d’augmenter, sans ajustements proportionnels des dotations.
Pour les personnels, pour les engagements présentés il y a quelques semaines par Anne GENETET, pour la préparation de la rentrée 2025, pour les travaux en cours sur l’acte II du choc des savoirs, sur la voie professionnelle, sur le futur DNB… à peine annoncées, ces quelques perspectives paraissent de nouveau bien fragiles et soumises à des choix de prochaines équipes qui pourraient faire significativement bouger les lignes.
Nous venons d’assister à l’expression de toute la puissance démocratique de l’Assemblée nationale, il faut désormais espérer que celle-ci soutienne les très forts enjeux de l’Éducation.

Ce que nous voulons !

Il nous faut espérer que cet événement historique soit l’occasion d’interroger durablement les questions qui ne cessent de s’imposer aux réflexions de l’École : la mixité scolaire et sociale, l’équilibre entre l’enseignement public et celui privé, les attentes très fortes de l’École inclusive ! En laissant de côté les projets qui allient une portée bien souvent électoraliste voire démagogique et des coûts exorbitants (on pense bien sûr au Service National Universel – SNU –, aux expérimentations de l’uniforme ou de la « pause numérique »…), nous pourrions nous focaliser sur les valeurs que l’École doit porter et sur les moyens de les mettre en place. Alors, laissons de côté ces groupes de besoins, consultons les organisations syndicales expertes qui portent majoritairement la parole des personnels et font des propositions concrètes.
En redonnant tout son poids au dialogue social et en s’affranchissant des egos politiciens, il y a certainement matière à dessiner les contours d’une École ambitieuse et qui réussit !

En redonnant, 40 ans après la création des EPLE, tout son sens à l’autonomie de ceux-ci, il y a, là encore, la possibilité de renouer la confiance des Français avec leur École et des professionnels que nous sommes avec leur propre institution ! En effet, l’autonomie de l’EPLE, c’est une vraie clé pour l’innovation et la réussite. Elle est au cœur de la capacité des équipes éducatives à adapter leurs pratiques aux réalités locales. Le SNPDEN-UNSA réaffirme que cette autonomie est indispensable pour concevoir et expérimenter des solutions pédagogiques adaptées aux besoins spécifiques des élèves. Elle permet la co-construction des innovations entre personnels de direction, enseignants, et partenaires locaux.

Au prochain gouvernement, le SNPDEN-UNSA demande de :

  • garantir un dialogue social renforcé et une concertation réelle avec les représentants des personnels,
  • stabiliser le cadre des réformes éducatives pour éviter des bouleversements incessants,
  • attribuer des moyens accrus pour soutenir cette construction locale, qu’il s’agisse de formations, de ressources humaines ou financières ;
  • revaloriser et rendre pérenne les moyens alloués aux établissements pour assurer leur fonctionnement et leur mission pédagogique.

Et, dès à présent, en nous mobilisant sur des questions que l’éphémère gouvernement a tenté de mettre en place : la disparition de la GIPA, les 3 jours de carence, les attaques contre la Fonction Publique… marquons notre détermination à peser sur le cours des décisions à venir !

Articles en lien

► Et aussi : Pour des communs et la justice sociale. Laurent Escure, SG UNSA 02.12.2024