La France 1ère de la classe ? Maryline Baumard (mars 2014)
Maryline Baumard, journaliste au Monde et spécialiste des questions d’éducation, auteure de l’ouvrage La France enfin première de la classe, analyse les derniers résultats de PISA qui donnent une gifle à l’école française sur le déclin. Mais la journaliste, menant son enquête, révèle qu’il n’y a pas de fatalité, juste des méthodes à mettre en place. Elle a accepté de répondre à nos questions.
Vous avez mené une enquête approfondie pour comprendre comment certains pays parviennent à obtenir d’excellents résultats pour PISA. Qu’avez-vous constaté ?
Certains pays ont su résoudre le drame que sont l’illettrisme et l’innumérisme dans nos sociétés moderne et prouver que nos 15 % de grand échec scolaire n’est pas une fatalité.
Je ne citerais que deux exemples : d’une part, la Floride qui, en dix ans d’enseignement de la lecture avec des méthodes « robustes », est devenue quasiment championne du monde pour la capacité à lire de ses élèves ; d’autre part, les pays asiatiques qui ont trouvé une méthode permettant aux enfants de comprendre les concepts mathématiques en profondeur pour permettre à tous de progresser et d’asseoir des bases solides.
Et vous avez également interrogé des scientifiques. Sont-ils résignés ? Ont-ils des solutions ?
Aucun des scientifiques que j’ai rencontré n’est résigné. J’ai interrogé trois catégories de chercheurs : des neuroscientifiques, des psychologues et des économistes. Les premiers sentent que nous sommes à l’aube de découvertes importantes sur ce qu’est apprendre. Ils observent dès aujourd’hui le circuit des connaissances dans le cerveau au point d’être capables de différencier le cerveau d’un lecteur et d’un non-lecteur. Les économistes, eux, sont capables de modéliser ce qui rend une école efficace. C’est à mes yeux essentiel. Quelqu’un comme l’économiste Esther Duflo explique qu’après dix ans de travail sur l’école dans son laboratoire de lutte contre la pauvreté au MIT, elle cerne mieux ce qui permet à cet écosystème d’être efficace.
Alors qu’est-ce qui ne fonctionne pas en France ?
En France, on oublie d’expliquer l’essentiel aux enseignants. Qui leur raconte les avancées de la science ? Qui leur propose de mieux comprendre quels outils sont utilisés ailleurs pour remédier aux difficultés en lecture ou en mathématiques ? Notre formation initiale a été jugée inutile ; notre formation continue des maîtres est le parent pauvre. Quant à notre ouverture sur les travaux internationaux, je ne vous en parle même pas !
C’est donc un livre optimiste que vous avez publié…
Oui. J’ai la faiblesse de penser qu’on pourrait avoir une des meilleures écoles du monde si on arrêtait de transformer l’école en un champ de bataille politique et qu’on s’intéressait plus aux résultats de la science.
Ce livre voudrait montrer qu’il faut arrêter de prendre les enfants en otage, de faire croire qu’enseigner est un art alors que c’est une science. Il y a urgence à aider les 20 % qu’on abandonne et pour cela il faut donner aux enseignants les outils dont ils ont besoin. Je suis aussi certaine que la lutte contre l’échec se fait au sein de l’établissement et que les chefs d’établissement doivent être au fait de ce qui se passe ailleurs et des méthodes qui marchent. Ils sont les animateurs de l’équipe pédagogique et leur force est considérable en la matière.
Propos recueillis par Isabelle Poussard, permanente
La France enfin première de la classe
Maryline Baumard, édition Fayard
Novembre 2013