Mayotte : la catastrophe ! [20.12.2024]
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Le département français a été très durement touché par le cyclone Chido samedi 14 décembre. Depuis, c’est la désolation qui règne.
Les premiers constats sont terribles avec une destruction des habitats et des EPLE majeure. Ce sont également les manques d’eau, d’électricité, de nourriture qui font craindre des conséquences amplifiées des dégâts météorologiques.
8 jours après le déclenchement de l’alerte, le journal de notre secrétaire académique
⏰ Nous sommes le dimanche 22 décembre, il est 02h40…
Ces derniers jours, l’actualité sur le terrain reste particulièrement dense et préoccupante :
Hier, j’ai interpellé le Directeur de Cabinet concernant la situation critique des collègues qui continuent à accueillir la population dans des établissements non sécurisés, où les ravitaillements sont insuffisants ou inexistants. Aucune présence et soutien des agents municipaux !
Une question cruciale se pose : est-ce réellement à nous de pallier systématiquement les défaillances des services de l’État ? Cette charge devient intenable et met nos collègues en danger. Collègues qui sont épuisés, qui craignent pour leur sécurité et qui sont inquiets.
J’ai ainsi demandé en urgence « l’exfiltration » d’une des nôtres, dans une situation particulièrement délicate.
Sachez que certaines familles avec enfants, personnel ayant des soins médicaux d’urgence, ou encore en détresse… peuvent être reconduits à la Réunion où ils doivent, ensuite, se prendre en charge pour leur hébergement et/ou retour éventuel vers la Métropole. Quand on sait que la Réunion est en vacances depuis hier, je vous laisse imaginer le coût des hébergements ou des billets d’avion en cette période !
Et j’y pense à l’instant même où j’écris ces quelques lignes : c’est peut-être à cela que pourrait servir la cagnotte mise en place par notre syndicat pour les personnels ?
Par ailleurs, nous avons tous constaté avec une profonde déception le dernier tweet de notre Ministre, où nos contributions semblent invisibles pour ne pas dire l’existence même de notre propre corps. Cette absence de reconnaissance est une véritable blessure pour notre profession, alors que nous multiplions les efforts dans des contextes souvent chaotiques.
Sur un plan plus local, l’eau n’est toujours pas revenue dans mon village au moment où j’écris ces lignes (il est maintenant 3h20 du matin). Les approvisionnements dans les villages demeurent aléatoires tout comme l’accès à l’eau, l’électricité et le réseau.
Entre les problématiques professionnelles et les soucis personnels, les nuits sans sommeil (je pourrais m’appeler « Sans sommeil à Iloni » mais je ne recherche pas de mari ! ) deviennent monnaie courante.
Vous le devinez bien évidemment : écrire devient pour moi, un acte d’auto-préservation, un moyen de donner du sens à ce que je vis et à partager avec vous mes émotions.
Ce matin, à 6h30, nous allons tenter, avec ma fille, une expédition : faire des courses à Mamoudzou et retirer des espèces au seul distributeur automatique de billets situé à Kaweni. Pour cela, il faut s’armer de patience. Les files d’attente s’étirent, et il n’est pas rare d’attendre plus d’une heure. Un peu comme à Disneyland… sauf qu’ici, il n’y a ni château, ni Mickey pour égayer l’attente. Nous souhaitons juste ne pas devoir patienter trop longtemps.
Alors que depuis Chido, nous n’avions pas eu de pluie sur notre commune, à l’instant même, le tonnerre gronde et une pluie diluvienne s’abat sur nous, permettant, on l’espère, de remplir nos bacs posés sous les gouttières, que nous avons découpées en partie.
Je vous souhaite un bon dimanche et reviendrai certainement vers vous en fin de journée pour partager notre expédition, les défis auxquels nous avons dû faire face et, pourquoi pas, quelques anecdotes !
Daisy
⏰ Il y a 1 semaine, l’alerte orange était déclenchée, passant en rouge à 19h00 le soir…
- Le réseau téléphonique et internet sont de nouveau opérationnels depuis cet après-midi, vendredi 20 décembre
- Toujours pas d’eau au village d’Iloni… Cela commence à faire long ! Je rêve d’une bonne douche sous un pommeau !
- Pour mon établissement, une entreprise a été mobilisée pour remettre en état les portails (7 sur les 8 que compte mon collège de plus de 1900 élèves) et la clôture endommagés. Aujourd’hui, les deux grands portails d’entrée, ainsi que le portail menant à notre jardin, ont été remis sur leurs rails. Nous remercions chaleureusement cette entreprise pour son efficacité et son professionnalisme.
- 3 subventions d’urgence ont été notifiées (pour un montant d’environ 100 000 €) : gardiennage et achats de première nécessité (programmes 230 et 141). Là aussi, un grand merci au Rectorat pour sa réactivité et son engagement exemplaire ! Un mail de remerciement à Monsieur Le Recteur et au Secrétaire Général s’impose !
- En revanche, nous continuons de déplorer la lenteur des ravitaillements (eau potable et nourriture) pour la population du village !
- Mayotte 1ère annonce, depuis hier, un bilan provisoire d’au moins 60 000 victimes, bien que ce chiffre n’ait pas encore été officiellement confirmé… Par ailleurs, une odeur de cadavres se fait sentir à proximité du plus grand bidonville de la région, Kawéni, témoignant de l’ampleur de la tragédie !
Malgré nos craintes et la préparation au pire, nous sommes profondément atterrés par l’ampleur de cette tragédie!
Une bonne soirée à toutes et tous !
6ème jour après le passage de Chido, le témoignage de notre secrétaire académique
- de nombreux villages toujours sans eau, ni électricité, ni réseau téléphonique
- dans le village d’Iloni, nous n’avons vu aucune prise en charge de la population qui reste livrée à elle-même pour :
- aller chercher dans la colline l’eau à une source (hygiène et consommation)
- essayer de récupérer dans les champs de quoi survivre
- ramener du bois et des tôles pour reconstruire à nouveau leurs habitats précaires par peur d’être “décasés”
- dans les logements, les hommes sont partis chercher de l’eau de mer pour les sanitaires
- les ordures qui n’ont pas été enlevées quasiment sur tout le territoire (crise sanitaire en vue !!!)
- et des annonces, de plus en plus nombreuses mais non officielles, de milliers de victimes.
- les compagnies aériennes qui abusent de la détresse des personnes. Une collègue devant partir dimanche avec un aller-retour Mayotte-Paris, a pu partir ce jour en avion militaire (problématique de santé) pour la Réunion mais a dû débourser un peu moins de 2 000 euros son aller Réunion-Paris-Montpellier ! Est-ce normal de profiter ainsi de la détresse des gens ?
Nos états d’âme :
- nous sommes épuisés
- nous sommes démunis
- nous sommes impuissants face à l’ampleur de cette situation mais nous là… Jusqu’à quand ?
- et, surtout, nous sommes reconnaissants pour tous les témoignages de soutien et de sympathie de nos collègues
Une bonne soirée à toutes et tous !
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Au lendemain du cyclone, il nous a été très difficile de contacter nos collègues personnels de direction : les communications étaient très partielles et ne s’améliorent que très doucement, les recharges électriques étaient aléatoires et les préoccupations tournées vers les besoins essentiels.
Depuis ce samedi, on peut assurer que certains d’entre eux ont tout perdu ou presque : habitation détruite, environnement professionnel dévasté, nouvelles des personnels et des élèves minces.
Notre collègue secrétaire académique témoigne.
Mayotte face au cyclone Chido : entre dévastation et résilience
Le passage du cyclone Chido restera gravé dans la mémoire des Mahorais et dans celle de tous nos collègues comme un événement cauchemardesque. Pendant 3h30, ce samedi 14 décembre, Mayotte a été balayée par des vents violents et des pluies torrentielles.
Dès l’annonce de l’alerte orange, vendredi matin, nous nous sommes préparés : pas d’accueil des élèves pour une mise en sécurité des établissements scolaires et préparation des salles pour accueillir les populations dans le cadre du PAPS (Plan d’Accueil des Populations Sinistrées).
Mais, rapidement, la situation a basculé. Dès vendredi après-midi, l’eau a été coupée. Samedi matin, alors que le cyclone atteignait son apogée, le courant a disparu à son tour, plongeant les habitants dans une angoisse indescriptible.
Heureusement, j’ai pu compter sur le soutien de ma famille dans cette épreuve, mais je n’ose imaginer l’isolement et la peur qu’ont dû ressentir ceux qui étaient seuls.
Aujourd’hui, le constat est accablant ! Mayotte est méconnaissable : arbres déracinés, toitures arrachées, routes impraticables… Des familles entières sont privées d’eau, d’électricité, et de nourriture. La crainte des pillages plane sur nous, sur une population déjà traumatisée. Dans le secteur éducatif, les dégâts sont immenses : alors que mon établissement, situé à Dembéni, a été « relativement » épargné, d’autres ont été durement frappés. Le lycée du Nord est détruit à 75 % ; à Mamoudzou, le lycée Bamana a perdu son toit…
Face à cette catastrophe, notre hiérarchie fait ce qu’elle peut pour nous accompagner, mais les défis logistiques sont et seront nombreux. Le réseau téléphonique reste défaillant et, ce mardi matin, l’eau courante n’est toujours pas revenue dans de nombreux foyers.
Pourtant, malgré ce paysage de désolation, des élans de solidarité émergent. Une solidarité qu’il faudra suivre et surtout encadrer !
Nous, membres de la communauté éducative, restons mobilisés pour soutenir nos élèves, leurs familles, et reconstruire ensemble ce qui peut l’être.
Le cyclone Chido a mis en lumière la fragilité de notre île face aux catastrophes naturelles. Il est urgent que des moyens conséquents soient déployés pour venir en aide aux sinistrés et renforcer nos infrastructures. Mayotte ne doit pas être oubliée.
En tant que secrétaire académique du SNPDEN, je tiens à saluer le courage et la résilience de tous les acteurs éducatifs et de la population en ces heures sombres.
Ensemble, nous surmonterons cette épreuve !
Daisy BRABANT
Principale Zakia Madi – Dembéni
Témoignage d’un collègue enseignant, mari d’une perdir.
Coucou les ami.es,
Il semble que nous ayons un peu de réseau sur la colline ce matin. D’abord, merci pour vos messages. Je limite les réponses pour ne pas surcharger ce réseau déjà très faible et incertain. Dans le contexte, l’essentiel est préservé pour nous et notre entourage : on est en vie. Les images que vous voyez à la TV montrent évidemment la catastrophe (qui est immense)
mais laisse aussi penser que l’on est presque tous morts ou désemparés. Ce n’est pas le cas. Une fois encore, ce sont les plus fragiles qui trinquent (et lourdement) en premier. Une fois encore, la solidarité et l’énergie collective est très forte maintenant. Une fois encore, mais ce n’est pas non plus une surprise, l’individualisme de quelque-uns, et souvent les plus riches, fait pitié à voir. Ils s’occupent de leur nombril. Tant pis pour eux, ils se retrouveront tout seuls avec leur misère morale.
Nous hébergeons 3 jeunes que nous connaissions et qui n’ont plus de logement, ayant eux-mêmes laissé entrer chez eux au début du cyclone 40 personnes des familles les plus démunies de leur quartier qui habitaient dans des cases en tôle.Nous ne savons pas de quoi l’avenir sera fait. Mais ce qui est certain (en tout cas pour le moment – il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis), c’est que nous n’avons pas du tout envie de fuir et de rentrer.
Notre place est ici pour tenter d’apporter notre pierre à la remise en route de l’île. Ce sera très, très long.
Sur un plan personnel, nous avons attendu 2 jours avant d’avoir des nouvelles de nos enfants. C’était évidemment très stressant. Mais ils vont bien (compte tenu du contexte, évidemment) et sont en groupe. La vie collective est rassurante et fédératrice dans ces contextes particuliers.
C’est ce que nous vivons aussi avec les 3 jeunes que nous hebergeons. Nous n’avons jamais aussi bien mangé car il faut finir les.pztits plats cuisinés du congélateur… C’est anecdotique évidemment et nous avons donné la moitié du congélateur aux familles du coin pour que rien ne soit perdu. Bon, ça ne va pas durer. On a aussi des sacs de riz et des boîtes de sardines pour la suite…
Bref, encore une fois grand merci vos messages et votre soutien. Plusieurs m’ont demandé comment ils pouvaient nous venir en aide. Je n’en ai aucune idée et, vu d’ici, nous avons sans doute moins une vision globale qu’avec les infos de la télé en métropole. Et puis… c’est au rôle de l’état social d’assumer cette solidarité sur son territoire. C’est aussi pour ça que je suis content de payer des impôts.
Les lieux d’hébergement après le cyclone
✅ https://www.mayotte.gouv.fr/Actualites/Cyclone-CHIDO/Lieux-d-hebergements/Lieux-d-hebergements
Urgence : les associations de don
- Secours populaire : urgence Mayotte
- Fondation de France : https://www.fondationdefrance.org/fr/
- Croix Rouge : urgence Mayotte
- Protection civile : don Mayotte
La solidarité pour les perdirs
Nous mettons en place une cagnotte à destination de nos collègues personnels de direction directement impactés. C’est aussi l’occasion d’organiser des collectes et des envois que nous effectuerons au départ de notre section de La Réunion.
Un contact privilégié pour les perdirs
✅ Un personnel de direction dédié pour les questions liées à Mayotte : 01 49 96 66 66
✅ Une adresse de courriel pour nous contacter spécifiquement : solidarite.mayotte@snpden.net
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