Vingt situations réelles de vie scolaire. Jean Pierre Obin (janvier 2014)
Votre dernier ouvrage, écrit en collaboration avec un chef d’établissement, Chantal Daux-Garcia, analyse brillamment 20 situations réelles de vie scolaire* qui soulignent la complexité des situations auxquelles les personnels de direction peuvent avoir à faire face. Pouvez-vous expliquer la méthode utilisée et le choix des thèmes retenus ?
Ces vingt situations sont issues d’une collection d’études de cas vécus et apportés par des personnels de direction mais aussi des CPR et des enseignants, lors d’un grand nombre de stages de formation que nous avons animés depuis une vingtaine d’années, en académie et à l’ESEN. Nous les avons choisies en fonction de leur capacité à illustrer les différents aspects de la vie scolaire et de leur richesse formative. Les thèmes retenus sont ceux des problèmes récurrents rencontrés dans les établissements : les conflits entre professeurs et élèves, les relations avec les parents, l’utilisation des images et des réseaux sociaux, les affaires de mœurs, l’absentéisme des élèves, les atteintes à la laïcité, les actes de violence, le racisme et l’antisémitisme, les différends entre personnels, enfin le management de l’établissement.
Dans chacun des cas évoqués, une bonne connaissance du droit paraît indispensable à la résolution des problèmes, sans pour autant être suffisante. Comment l’expliquer ?
La connaissance du droit (les obligations légales et réglementaires) et celle des instructions ministérielles délimitent le cadre dans lequel toute prise de décision doit s’inscrire. Toutefois, l’étude des situations complexes montre que ce cadre fournit rarement à lui seul les données et la méthode susceptibles de conduire à une décision pertinente. Les connaissances pratiques (les composantes sociales, psychologiques, culturelles et relationnelles des acteurs) et théoriques (sociologiques surtout), ainsi que l’expérience professionnelle jouent aussi un grand rôle ; l’éthique personnelle et professionnelle des décideurs également. In fine, les décisions des personnels de direction sont guidées par des considérations morales ou éthiques : vais-je privilégier la justice ou bien la paix scolaire, l’égalité devant le règlement intérieur ou la compassion devant une situation de détresse sociale ? Les dilemmes éthiques et surtout la capacité à les poser, à les analyser et à les surmonter, sont au cœur de ce métier dont ils constituent une part notable de la richesse.
Ce livre est le prolongement d’une démarche initiée en 1994 et qui a donné lieu à la publication d’un ouvrage intitulé Les établissements scolaires entre l’éthique et la loi. La problématique de la prise de décision par les personnels de direction vous paraît-elle se poser dans les mêmes termes qu’il y a vingt ans ?
La méthode utilisée, l’analyse des situations professionnelles (ASP), a été mise au point dans le cadre d’un séminaire organisé tout au long des années 1993 à 1995 à l’IUFM de Lyon ; elle a été enrichie et améliorée depuis par les dizaines de formateurs qui l’ont pratiquée et que l’ESEN a réuni dans des séminaires nationaux organisés en 2010 et 2011. Dernièrement, l’arrivée de Jean-Marie Panazol à la tête de l’École a permis de relancer cette dynamique en proposant aux personnels de direction de toute la France de nouvelles formations hybrides (à distance et à l’ESEN). Fondamentalement, depuis vingt ans, le cadre théorique de la prise de décision n’a pas changé : il met toujours en tension les normes juridiques aux normes morales et éthiques des acteurs, en particulier du chef d’établissement. Ce qui a changé, c’est l’importance grandissante (et parfois envahissante) du droit dans la vie sociale, et partant, dans la vie scolaire. La méthode de l’ASP a donc évolué pour répondre à cette attente ; c’est pourquoi ce livre peut aussi être utilisé, grâce notamment à son index juridique, comme une façon plutôt agréable d’acquérir ou de revoir les connaissances juridiques de base nécessaires à la conduite d’un établissement.